Le Tirage au Sort comment l’évaluer ?


Dans ce petit précis de G. Delannoi, sorte de mode d’emploi du tirage au sort en démocratie, celui-ci est décrit dans ses multiples facettes de façon très méthodique.

Avant d’approfondir la question de l’usage du tirage au sort en démocratie, l’auteur commence par établir le contexte de cette procédure et du régime. Il commence par un classement des différentes procédures et régimes politiques : six procédures, trois régimes fondamentaux et trois quasi-régimes. Chaque procédure peut être combinée et ensuite être associée à un régime. Cependant, on note qu’il y a un lien qui prédomine entre une procédure et un régime.

La monarchie est liée à l’hérédité (qui est un critère biologique). L’aristocratie est liée au vote. La démocratie est liée au tirage au sort. Les trois autres quasi-régimes sont : le marché qui est lié à l’offre et la demande. La bureaucratie ou méritocratie qui est liée au concours et au test. Et enfin, l’association qui est liée à l’adhésion.

 

Le tirage au sort étant une procédure en lien avec la démocratie, et ce dernier étant le régime qui intéresse l’auteur, il revient sur le contexte de la démocratie. Il existe selon lui deux types de démocratie. Le premier type est une démocratie ancienne, établie en Grèce antique. Le deuxième type est une démocratie moderne établie lors de la création des républiques démocratiques après les révolutions anglaise, française et américaine.

 

Vient rapidement la question de la représentation. Là encore, il y en a deux.

Le premier type de représentation est descriptif. Elle reflète fidèlement la composition de la population en choisissant les représentant parmi la population. Le tirage au sort est donc une procédure démocratique qui permet de constituer un échantillon représentatif de la population selon ce premier type.

L’autre type de représentation est active. Les représentants sont désignés par la population pour agir en son nom et à sa place. C’est la démocratie représentative que nous connaissons.

L’auteur présente aussi sa théorie d’un troisième type de démocratie qui serait une « démocratie sortive ». Ce type de démocratie est une combinaison des deux premiers types, et utilise en son centre les avantages du tirage au sort. Ainsi, les deux formes de représentations (descriptives et actives) collaborent.

 

Le reste de l’ouvrage se concentre maintenant sur l’usage du tirage au sort en démocratie.

Le tirage au sort a plusieurs usages. Le premier usage principal est la rotation. La rotation des élus au sort et la rotation des fonctions. Tous les élus, ou presque, seront élus à tour de rôle pour exercer une fonction. Une fois élu pour une fonction, on ne fait plus parti de cette base. On ne peut donc plus exercer cette fonction par la suite. Mais on peut être élu ensuite pour exercer une autre fonction si on est inscrit dans la base de cette fonction.

Cette procédure permet aussi l’apprentissage de la démocratie par la réversibilité. Cela signifie que l’individu qui participe au tirage au sort se retrouve à exercer et à connaître deux rôles : celui du gouverné (en tant qu’individu de la population) et du gouvernant (en tant qu’élus qui exerce une fonction). Le fait d’exercer et de connaître les deux rôles permet de mieux comprendre et respecter les lois de l’Etat.

 

Parmi les différents usages du tirage au sort, on trouve d’abord tout simplement les enquêtes et les échantillonnages. Le tirage au sort permet d’obtenir un échantillon représentatif important de la population. Cela est surtout utilisé pour les sondages, les études sociologiques ou encore les simulations politiques.

Parmi les autres usages de cette procédure, on trouve aussi bien sûr la nomination d’individus.

 

Il existe beaucoup d’idées reçues qui conduisent à une mauvaise interprétation ou usage de la procédure.

La première fausse piste est d’associer le tirage au sort au hasard alors que les deux sont différents. Le hasard est de l’ordre de l’aléatoire et ne fait pas de choix parmi les options qui se présentent. Alors que le tirage au sort est organisé et il égalise les options qui permettent par la suite de faire un choix. Dans le processus du tirage au sort, l’aléatoire n’est pas la fin du processus, il n’est qu’un outil au processus. Le hasard est utilisé à d’autres fins.

Une autre fausse idée concernant le tirage au sort est celle qu’une procédure serait la solution. Le tirage au sort n’est pas à lui tout seul la solution, l’unique solution, pour une meilleure démocratie. Il faut une combinaison de procédures bien utilisée.

Une inquiétude commune concernant le tirage au sort est la question de la compétence ou de l’incompétence des élus du sort. Ce sujet n’est pas un véritable problème, car lorsque la base du tirage est établie, on peut ajouter un critère de sélection pour pouvoir s’enregistrer dans une base. Cette question n’est pas propre au tirage au sort, elle concerne toutes les procédures.

 

Toute procédure a des effets et des finalités. Pour le tirage au sort, la finalité la plus importante est le motif de la procédure. C’est-à-dire, la raison pour laquelle on a recours à cette procédure (la représentation fidèle). En ce qui concerne les effets, ils sont plus nombreux. Le tirage au sort a pour effet l’impartialité, la simplicité, l’intégration, la sérénité et l’égalité.

Pour des objectifs politiques de l’utilisation de cette procédure, il est important que les élus soit soumis à un contrôle précis et permanent qui permettra de régler les problèmes de corruption des élus du sort qui peuvent céder à la tentation de profiter du pouvoir de la fonction exercé.

 

Il est donc important de définir le fonctionnement du tirage au sort. Il a plusieurs options qui se présentent lorsqu’on utilise cette procédure. Il faut définir la base légale du tirage qui va au minimum de deux individus à un très grand nombre, avec trois options d’enregistrement dans une base : sans qualification (tout le monde peut être inscrit dans la base), avec qualification (on ne peut être inscrit dans la base que si on a les qualifications requises), et enfin l’option de candidature (seules les personnes ayant postulé peuvent participer au tirage).

Une fois dans une base, il faut définir les droits et devoirs des élus. Il y a quatre options qui se présentent :

l’option de candidature (qui est le droit de postuler à une base), ensuite il y a l’option de désistement (on a l’obligation de faire partie de la base du tirage avec le droit de refuser le poste si on est élu), l’autre option similaire est celle du refus (qui donne le droit de refuser de faire partie d’une base de tirage) et enfin, il y a l’option de l’obligation (qui est l’obligation totale de faire partie de la base du tirage sans avoir la possibilité de refuser ou de se désister si on est élu).

Il faut aussi définir la question confidentialité avec deux options. La première est celle de la visibilité, qui rend transparent la préparation et la pratique du tirage au sort car alors la population sait qui est enregistré dans la base et qui est élu. La fraude à cette étape-là de la procédure est plus compliqué. L’autre option est celle de la confidentialité, qui dans un souci de confidentialité pour protéger les élus d’un contexte dangereux et de le préserver d’influences extérieures ou de tentatives de corruption.

Vient ensuite la question de la rétribution. Cette option concerne les personnes élus à une fonction. Il ne s’agit pas d’appliquer un système avec un appât du gain. Il est question ici d’une compensation financière pour le travail effectué.

Il ne reste que deux instructions à définir pour que le fonctionnement du tirage au sort soit complet. Il y a d’abord la définition de la fréquence de l’élection d’un élu à une fonction. Deux options se présentent, la première est celle de ne pas pouvoir renouveler son élection. Une fois qu’on est élu on est supprimé de la base du tirage pour la fonction dont on vient d’être élu et on est éliminé des autres tirages.

L’autre option consiste à renouveler une seconde fois uniquement son élection. On peut faire parti de la base du tirage pour une fonction après avoir été élu. Cette option permet aux personnes qui ont déjà été élu d’apporter de l’expérience à l’exécution de la fonction, et dans les bases où le désistement est possible cela permet de garder des individus plus intéressés.

Et la dernière instruction à mettre en place concerne la formation des élus. La première option est de les former soit toute la base du tirage avant l’élection, soit de former uniquement les élus après le tirage. L’autre option est de ne pas former la base ni les élus ce qui permet une prise de fonction immédiate avec impartialité et peu de corruption et de manipulation (qui arrive plus facilement lorsqu’il y a une formation).

 

Après avoir développé la théorie du tirage au sort en démocratie, l’auteur expose des applications possibles et théoriques de cette procédures en démocraties. Il applique l’utilisation du tirage au sort pour former des conseils dans des instances universitaire, mais aussi pour former des assemblées locales, ou des conseils municipaux. Il applique aussi cette procédure à une échelle régionale et nationale pour former des jurys, des conseils, et des assemblées. Il pousse cette utilisation de la procédure jusqu’à une échelle européenne.

 

Il conclut son propos en invitant à expérimenter sa théorie. Cela permettrait ainsi de l’évaluer et d’avoir une expérience concrète de sa théorie, car il n’y a pas eu de pratique récente du tirage au sort en démocratie.

 

Le Tirage au Sort, comment l’utiliser ? Edition Sciences Po Les Presses dans la collection « nouveaux débats »

Gil Delannoi, est directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques et professeur de théorie politique à SciencesPo


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