Comprendre la Démocratie Délibérative


Face à une crise de la représentativité majeure qui s’illustre par la coupure du lien entre représentants et représentés, la démocratie participative ou délibérative se dessine comme une possible solution. L’auteure de cet article nous expose le concept tout en éclairant ses limites.

Dans les années 60 et 70, la demande de participation à la vie démocratique est alimentée par les mouvements sociaux pour l’environnement et la qualité de vie. Cependant, c’est dans les années 80 que le philosophe Habermas va susciter un tournant délibératif en philosophie politique, remettant en question la légitimé de la décision publique en démocratie qui ne doit plus être tournée vers l’élection des représentants mais sur le processus décisionnel.

Dans les années 1990, la défiance monte à l’égard de la représentation politique. Elle a diverses causes possibles tels que la globalisation, la progression des valeurs libertaires ou encore le morcellement de la société. Des symptômes apparaissent alors dans la société tels que le déclin de la pratique du vote et de l’attachement au vote, la progression des comportements protestataires ou encore la montée en puissance des votes dits « hors système ». En réponse à cette situation, « de nouvelles formes de participation démocratique sont proposées dont la portée et la capacité à réenchanter le lien représentatif demeure incertaines ».

La démocratie participative se définit comme « l’ensemble des dispositifs institutionnels, officiellement mise en œuvre par les autorités publiques, à toutes les échelles, dans le but d’associer tout ou une partie d’un public à un échange de la meilleure qualité possible, afin d’en faire des parties prenantes du processus décisionnel dans un secteur déterminé d’action publique ».

Celle-ci possède un caractère variable, influencé tant par les changements sociaux que par les principes démocratiques.

 

Quelles formes de participation prend la démocratie délibérative ?

Il existe un panel de dispositifs participatifs sur le modèle délibératif : des commissions et des conseils, des réunions publiques qui existent pour s’adresser à un public large et indifférencié. Mais aussi, les référendums et les pétitions qui sont utiles dans le cas d’un grand nombre de citoyens et sont déployés au niveau local, national, européen voire international.

En France, les budgets participatifs et le tirage au sort sont deux dispositifs qui peuvent être utilisés au niveau local et national (certes peu). Ces 2 derniers, venus du Brésil pour le premier et d’Europe du Nord pour le deuxième, illustrent la circulation internationale des outils participatifs.

En France, la démocratie participative semble s’exercer majoritairement au niveau local, cependant nous pouvons citer deux exemples au niveau national illustrant l’impact de cette dernière.

 

Deux exemples de démocratie participative et délibérative au niveau national

Le Grand Débat, réponse à la situation de crise des Gilets Jaunes, mouvement qui s’était unifié derrière la revendication d’un référendum d’initiative citoyenne aux domaines d’applications citoyennes extensifs tel que l’abrogation d’une loi jugée injuste, constitutionnel, législative ou encore la révocation du mandat d’un représentant. Ce mouvement avait marqué un refus de la représentation et de la délégation politique. Le grand débat relève principalement d’un appel à l’expression et à l’écoute qui a suscité les contributions de près de 2 millions de français grâce à des assemblées en présence, des cahiers, des conférences thématiques, une plateforme électronique à questions ouvertes et fermées.

On peut aussi citer la convention citoyenne pour le climat a pour but de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Au sein de cette convention se sont retrouvés 150 citoyens tirés au sort (sur des listes d’abonnés au téléphone) assurant ainsi une vraie diversité sociale.

L’auteure croit en l’importance de ces mouvements qui « expriment une demande de démocratie politique définie par la capacité collective des citoyens à s’organiser pour contrôler les représentants, voire prendre des décisions, et une demande de démocratie sociale, avec la nécessité de prendre en compte les plus démunis ».

 

Un risque de « démocratie furtive » ?

Nous avons vu que la démocratie participative fait désormais partie du paysage politique et en fait d’une demande des citoyens, cependant celle-ci ne se présente pas comme la solution ultime à la crise de la démocratie représentative. Cela s’explique par une très faible confiance envers les institutions politiques mais peut aussi s’expliquer par le non-désir de participation très engagée à la chose publique ainsi qu’un repli sur la vie privée. La continuité d’un tel état d’esprit nous conduirait vers une « démocratie furtive », ou au risque de la limitation des libertés publiques, les affaires publiques seraient remises à des experts.

Cependant, il ne faut pas négliger la vive expression démocratique qui traverse le pays mais également le monde, où de nouvelles formes de représentation, de citoyenneté et des nouveaux modes de gestion des communs s’inventent et se réinventent au sein des sociétés.

« L’histoire à venir de la démocratie politique est sans doute celle d’une meilleure articulation et hybridation de ces formes, plutôt que d’une coexistence hiérarchisée qui peine à susciter de la confiance ».

Les différentes formes que peut prendre la démocratie, qu’elles soient représentatives, délibératives, participative, ou directe, sont souvent perçues comme détachées les unes des autres. Pour l’auteure en réalité c’est une combinaison de ces différentes formes qui permettra un vrai renouveau.

 

« Les nouvelles formes de participation peuvent-elles renouveler la démocratie » par Marion Paoletti in Cahier Français

Marion Paoletti est professeure à la faculté de droit et de science politique de Bordeaux. Ses principaux thèmes de recherche sont la décentralisation, la démocratie participative, le genre et la politique, la parité et la professionnalisation politique.


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