Référendum et Assemblées Citoyennes


Le référendum et les assemblées citoyennes, deux pratiques de la démocratie participative sur lesquelles Les auteurs ont fait le choix de mettre l’accent. Ces deux formes permettent aux citoyens de prendre part -à différents degrés- au processus décisionnel.

Le référendum

L’idéal républicain place le bien commun au centre de la fonction gouvernementale. L’intérêt général respecte la liberté et la participation ainsi que la présence d’une souveraineté démocratique sous la forme d’un peuple ou d’une nation. La pratique référendaire permet de parcourir un bout de chemin vers cet idéal républicain. Dans la pratique, le référendum est notamment observable, de manière efficace et récurrente, en Suisse, aux États-Unis et en Irlande (ainsi qu’en Italie et en Allemagne dans les régions). Cette pratique est expliquée par l’auteur Patrick Taillon de la manière suivante : « elle permet de mobiliser les citoyens dans la recherche du bien commun, de l’intérêt général ou de la res publica tout en leur donnant l’opportunité de participer directement à l’élaboration de lois dont ils sont les destinataires ». Néanmoins, un tel lien n’existe que très faiblement en France bien que le pays soit attaché aux valeurs républicaines et cela s’explique par une méfiance historique des élites politiques envers la pratique référendaire.

Une pratique contestée en France

A partir du XVIIIème siècle, en France et aux États-Unis, une volonté de liberté publique et de participation s’est fait ressentir. La souveraineté des États se doit d’être repensée de manière collective dans le but d’assurer directement ou indirectement une participation publique. Cependant en France, la Révolution Française et les évènement de l’époque napoléonienne éclairent sur un risques d’instrumentalisation et de personnalisation de la pratique référendaire qui s’avèrerait alors néfaste pour la République. Ce sont ces évènements qui ont participé à créer une méfiance contre la démocratie référendaire considérée alors comme source d’imprévisibilité et d’instabilité. Une exception doit cependant être retenue, celle de la période d’après Seconde Guerre mondiale où Charles de Gaulle, alors à la tête de l’exécutif, a organisé neuf scrutins référendaires portant sur des thèmes fondamentaux et déterminants. Selon lui, le référendum est essentiel pour le processus de transition institutionnelle mais aussi pour le futur de la Vème République.

Depuis cette période, la pratique référendaire n’a fait que s’affaiblir en pratique bien que dans sa forme, elle a vécue deux élargissements importants au sein de la Constitution. Le référendum d’initiative partagée, adopté en 2008, permet de lancer une proposition de loi référendaire sous conditions du soutien d’un cinquième des parlementaires et d’une dixième des électeurs inscrits. Néanmoins, le seuil élevé d’appuis requis pour celui-ci le rend quasiment impossible, de plus les contrôles juridictionnels et autres procédures contraignantes montrent la volonté des gouvernants de restreindre les conséquences des modalités référendaires.

A cette situation, l’auteur du chapitre 5 nous dit : « L’opposition à la démocratie référendaire est moins frontale puisque cette voie figure officiellement dans la Constitution, mais elle persiste néanmoins et se renforce sous l’effet de nouveaux clivages et de formes contemporaines de polarisation idéologique ».

En France, le référendum garde cependant des adeptes qui se trouvent notamment au sein des mouvements politiques alternatifs (mal représentés au niveau national) qui, face à une crise de la représentativité le considère comme un instrument privilégié de changement.

« A une époque où se combinent crise de la représentation, désir d’influence des citoyens sur les décisions qui les concernent, accès facilité à l’information et à la communication de masse, volonté de contrôle des actions des élus, l’absence d’une procédure référendaire pouvant être déclenchée par les citoyens révèle les dimensions archaïque, déconnecté du peuple et inadaptée des institutions françaises, du moins sur ce point »

La pratique référendaire possède néanmoins des carences et notamment au niveau délibératif. Sur ce sujet, Dominique Rousseau explique que « la délibération favorise l’élévation de la conscience, le référendum conduit à son abaissement ». En effet, le référendum ne consiste que dans un vote, aucun échange d’informations, processus d’argumentation n’existe et la loi proposée ne peut être changée. Il ne constitue pas alors un vrai moyen pour les citoyens d’agir de manière efficace dans le processus décisionnel.

Les assemblées citoyennes comme mode alternatif aux référendums

Les assemblées citoyennes se définissent par une organisation de citoyens volontaires ou tirés au sort qui est en théorie plus représentatif de la population. Également appelées « panel citoyen », « jury citoyen », elles sont principalement constituées d’un groupe de citoyens tirés au sort représentants un échantillon de la population aussi appelé « mini public ».

« Leur rôle est de délibérer sur un ou plusieurs thèmes, dans un délai déterminé, après avoir reçu une formation et des renseignements appropriés, et procédé à des auditions d’experts ou de personnalités intéressées par les sujets mis en débat ». Leur but est de compenser le déficit de délibération des démocraties représentatives et de répondre au souhait de participation des citoyens.

Puisant leurs origines dans la démocratie athénienne, les assemblées citoyennes sont présentées comme le retour à l’idéal démocratique. Censées être les miroirs de la démocratie délibérative, elles évoluent dans un courant qui veut à terme la légitimité des décisions par la délibération de tous.

Exemple de l’Islande

Après la crise financière et l’effondrement économique de l’état en 2008, le pays a souhaité regagner la confiance des citoyens en les associant au processus de révision de la constitution. Ces derniers avaient donc la possibilité de délibérer, faire des propositions et intervenir dans la phase d’approbation de cette réforme. Le processus s’est déroulé avec en premier lieu des forums locaux organisés par des collectifs de citoyens puis par des forums nationaux composés de neuf cent cinquante citoyens, une partie d’entre-deux était tirée au sort, l’autre partie était composée de personnalités invitées. A la suite des débats, une assemblée constituante citoyenne de 25 personnes avait la charge d’examiner les suggestions et de créer un projet de Constitution. Celui-ci a ensuite été soumis à un référendum approuvé par 66% des votants. Cependant, due à une procédure de double validation par l’assemblée parlementaire et une renouvellement de celle-ci qui n’a pas approuvé le texte, les réformes proposées par l’assemblée constituante citoyenne n’ont pas été prise en compte.

Cette expérience pourtant prometteuse mais dont le résultat fut voué à l’échec illustre la confrontation qui existe entre démocratie représentative et démocratie délibérative.

Combiner assemblée citoyenne et procédure référendaire

Afin de clarifier la question des enjeux et des conséquences des scrutins référendaires, cette combinaison permettrait d’intégrer une phase de délibération citoyenne à une procédure de référendum. Elle a été utilisée en Irlande sur la question de l’avortement qui divise le pays. Une assemblée de cent citoyens présidés par une juge de la Cour suprême a donc été créé et cela a permis grâce à la délibération d’aboutir à un consensus majoritaire. En effet, l’assemblée citoyenne s’était prononcée à 64% en faveur de la légalisation de l’avortement puis le référendum s’est conclu sur le même résultat avec 66% de « oui ». Il est alors possible de s’imaginer que le mini-public a su représenter l’entièreté de la population, mais cela n’est pas prouvable.

Pour Francis Hamon, ce processus permettrait dans le temps de « responsabiliser les citoyens et de remédier aux deux principales faiblesses de la démocratie référendaire, c’est-à-dire le sentiment d’incompétence que ressentent beaucoup d’électeurs et le taux élevé des abstentions ».

Malgré une forte réticence à la pratique référendaire en France, la combinaison de celle-ci et de l’assemblée citoyenne pourrait constituer un remède contre la crise de la démocratie représentative.

 

La démocratie participative, chapitre 5 et 7, par Patrick Taillon et Marthe Fatin-Rouge Stefanini

Patrick Taillon est professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, il enseigne le droit constitutionnel et le droit administratif.

Marthe Fatin-Rouge Stefanini est juriste spécialisée en droit comparé sur les questions de justice constitutionnelle et de référendum


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