Cours de Méthodologie Participative


Dans un contexte de crise de la représentation, la démocratie participative semble une solution attrayante, même si faire participer une nation entière aux décisions publiques est difficile. Des pratiques participatives se développent déjà au sein des collectivités publiques, des entreprises, des associations…

Comment ces pratiques participatives fonctionnent-elles ? Qui prend la décision finale au sein d’un groupe ? Comment faire participer tous les membres d’une entité à une prise de décision ?

Dans son livre Prendre des décisions collectives avec des méthodes participatives, Tony Noce présente plusieurs méthodes participatives dont l’objectif commun est de fournir des instruments efficaces permettant à toute organisation de prendre des décisions collectives. Inciter les membres d’un groupe à s’exprimer, à s’écouter, à travailler ensemble à la formulation d’une décision collective efficiente pour une situation problématique.

 

En proposant ses méthodes, l’auteur cherche à parvenir à une « vraie » prise de décision collective. Il s’agit d’un processus identifiant les difficultés et dans lequel les points de vue de chaque individu sont écoutés puis débattus. Elle diffère de la simple « décision collective » dans laquelle les dirigeants seraient les principaux détenteurs de la force de proposition et à laquelle les autres membres se contenteraient de donner leur consentement ou non.

 

Les phénomènes influençant la prise de décision

Les méthodes que l’auteur présente doivent permettre de parer les « phénomènes de dérive ou de blocage qui influencent la décision » c’est à dire l’ensemble des paramètres les plus importants et les plus influençables dans le processus de prise de décision collective.

 

Certains sont propres à l’individu

Ce sont :

les valeurs en fonction desquelles les individus s’orientent ;

les croyances qui définissent la réalité propre d’un individu ;

le pouvoir, tant comme légitimité sociale que comme capacité individuelle ;

les enjeux qui dépendant des intérêts de l’individu et de ceux de son institution.

 

D’autres sont liées à un groupe

Tony Noce répertorie quatre types de groupes :

-les groupes d’appartenance : qu’ils soient familiaux, socioéconomiques, socioprofessionnels, ethniques, locaux, amicaux, ce sont des groupes de socialisation ;

-les groupes de référence : un groupe choisi par la personne en fonction de ses valeurs et ses normes peut être différent d’un des groupes d’appartenance ;

-les groupes identitaires : ils regroupent des personnes faisant parti d’une même institution mais ne partageant pas nécessairement les mêmes buts, ni les mêmes intérêts (syndicats, associations, partis politiques) ;

-les groupes composites : constitués de personnes issues d’institutions différentes, ce sont les conseils départementaux, régionaux, ou encore les syndicats.

 

Les phénomènes qui influencent un groupe sont nombreux :

Les acteurs, qui peuvent être des partenaires moteurs ou des opposants freinant la dynamique de groupe ;

Les influences d’ordre technique (« financiers », « administratifs ») ou affectif (« comportements de sympathie ou d’hostilité ») ;

La pression de conformité., qui joue un rôle essentiel sur les décisions car elle inciterait les membres du groupe à penser et agir de manière uniforme quand bien même ces derniers souhaiteraient « faire entendre leur point de vue ».

La pensée groupale et ses effets de normalisation et de polarisation

L’animateur enfin, qui dispose aussi d’une grande influence sur les décisions en tant qu’organisateur de la réunion. Lui incombent les tâches de « production », de « facilitation », « d’organisation » et de « régulation ». En effet, le rôle de l’animateur est multiple :  fixer les objectifs de la décision, proposer une procédure de travail, diffuser préalablement les informations nécessaires aux membres du groupe, organiser le déroulement de la réunion, déterminer les moyens nécessaires (matériels et humains), aménager l’environnement de la réunion, sa durée, la superficie, la décoration, la disposition mobilière, jusqu’à la température de la pièce ou encore son odeur. L’animateur doit aussi veiller à éviter tout jugement de valeur, favoriser l’expression et l’implication et comprendre les idées émises par les membres.

 

Les méthodes participatives

Le format-type du processus de décision collective

Il est composé de sept étapes, applicables à toute méthode.

Poser le problème et l’étudier : cette étape consiste à prendre du recul sur le problème en regardant comment il se manifeste, en déterminant ses conséquences, en identifiant ses enjeux et les acteurs qu’il touche ;

Identifier les causes du problème en formulant une problématique, en émettant des hypothèses et en les mettant en relation, en rassemblant les informations, les faits et les acteurs concernés. Il faut ensuite vérifier les hypothèses émises en recoupant les informations entre elles, en cherchant celles qu’il manque et en éliminant celles qui sont superflues ;

Formuler les objectifs à atteindre à court, moyen et long terme ;

Choisir la ou les méthodes permettant de préparer la décision : il s’agit de la production des idées, l’inventaire des propositions des membres du groupe pour chaque hypothèse ;

Déterminer les critères de sélection des propositions : ces critères sont choisis en fonction de la valeur attribuée aux moyens prévus dans chaque proposition. L’auteur présente plusieurs manières de classer la valeur des critères ;

Mettre en évidence les effets positifs et négatifs des propositions : il s’agit de définir des critères de comparaison, en leur donnant un poids, afin de mesurer la rentabilité entre les effets positifs et les effets négatifs ;

Déterminer la stratégie de mise en œuvre : c’est le choix définitif de la proposition censée résoudre le problème, en planifiant les conditions d’application de la stratégie adoptée, les moyens (matériels, humains, technologiques…), les acteurs concernés à contacter…

 

Le brainstorming

Lors d’une réunion à petit format (8 à 12 personnes), le brainstorming est un processus de prise de décision en trois phases :

L’exposé d’ouverture : présentation du problème, émission des hypothèses concernant les causes, problématisation, etc. ;

L’assaut des idées : émission d’idées en vrac, puis dépouillement (classement) des idées. L’émission et le dépouillement sont effectuées par un groupe différent. L’objectif de la production est de formuler le plus de propositions possibles, avant de les classer ;

La sélection des idées : après les avoir listées au moyen de critères de sélection.

 

L’animateur s’occupe de l’organisation, de la communication et prend note des idées. Selon l’auteur, le groupe en charge de la production d’idées doit aussi participer à la sélection. Par ailleurs, produire des idées le plus vite possible et en vrac ne permet pas de montrer le raisonnement. Enfin, l’auteur ajoute que des experts du sujet devraient se joindre au groupe de sélection afin de pouvoir informer objectivement les membres sur les idées retenues.

 

Le brainwriting

Le brainwriting, sur le même modèle que le brainstorming, contient cinq étapes :

L’exposé d’ouverture, rappel du problème ;

La réflexion qui dure quelques minutes ;

L’expression par écrit pendant quelques minutes aussi ;

L’organisation des idées classées par thème ;

La décision ou choix par écrit sur des morceaux de papier.

 

Il n’y a aucun échange oral pendant la rédaction des idées, tout se fait par écrit, ce qui a pour effet de supprimer les débats et de faciliter la conduite de la réunion par l’animateur. L’expression n’est pas influencée par celle des autres mais l’absence d’échange oral peut être un blocage à l’imagination.

En revanche, il convient d’expliquer les idées à l’oral afin que tout le monde comprenne la même chose.

 

La méthode NOPANYCK

L’auteur poursuit plusieurs objectifs à travers cette méthode : d’abord donner la possibilité au plus grand nombre d’individus de participer aux prises de décision au sein d’un groupe comptant de nombreux membres ; stimuler la créativité et la communication et permettre l’instauration d’un climat de tolérance au sein d’un groupe, afin de faciliter le débat grâce à un fonctionnement démocratique.

Il s’agit d’une méthode « complexe », selon l’expérience de l’auteur, il nous propose de l’aborder à travers deux modèles :

NOPANYCK CONSULTATION, prévu pour des entretiens individuels et applicable à distance par courrier électronique ou par téléphone ;

NOPANYCK GROUPE, pour des réunions physiques et qui se compose de deux versions : l’une pour des groupes de 6 à 10 personnes et l’autre pour des groupes de 11 à 40 personnes.

Dans tous les cas, NOPANYCK s’effectue en deux temps : la production des idées et des propositions ; le choix des propositions et la gestion des risques éventuels.

 

  • Première période :

Production des propositions : le plus possible en précisant les moyens à déployer, les avantages et inconvénients, à l’oral et par écrit. Il n’y a aucun débat.

Classement des propositions par thèmes : les propositions sont classées en fonction de leur nature (celles qui résolvent, celles qui atténuent, celles qui promeuvent). Il est possible de les superposer, de les fusionner.

 

  • Seconde période :

Choix des critères de sélection des propositions : cette étape consiste à déterminer les paramètres en fonction desquels les propositions sont retenues. L’auteur conseille la méthode IFOJACREA : intérêt, facilité, originalité, juridique, acteurs, coûts, risques (financiers), enjeux et atouts (de l’institution) ;

Choix de l’unité de mesure des critères : définir une procédure d’évaluation des critères permettant de considérer si le critère de sélection est rempli ou non ;

Sélection des idées à partir du critère d’intérêt : un premier choix est effectué à partir des objectifs à atteindre. Un deuxième choix vient sélectionner les propositions des effets positifs et négatifs. Puis une évaluer les risques ;

Sélection des propositions en fonction des acteurs et des coûts : les acteurs concernés par la proposition sont-ils prêts à financer la somme prévue ? Combien sont-ils ? Existe-il un risque financier ?

Sélection à partir d’autres critères : si besoin, des critères comme l’originalité ou la facilité de réalisation peuvent venir compléter les autres pour un choix définitif.

 

Pour la version « petit groupe », les participants sont choisis en fonction de la culture de l’institution, de l’objectif à atteindre et de la nature de la réunion. La méthode peut s’appliquer en une seule réunion.

Pour la version « grand groupe ». L’ensemble des participants est réparti en plusieurs groupes, chacun doté d’un animateur, en plus de l’animateur principal. Les animateurs de groupes exercent leur rôle d’organisation et de cohésion. Puis, ils doivent rapporter l’ensemble des propositions à l’animateur principal à la fin de la première phase.

L’auteur conseille de répartir les deux périodes de travail sur des jours différents en raison du nombre de participants et donc du temps passé sur chaque période. De plus, de nouveaux participants peuvent venir se greffer lors de la seconde phase, afin d’apporter des regards nouveaux. Des systèmes de vote sont indispensables pour ce modèle, en raison de la taille du groupe.

 

 

L’auteur conclut en incitant le lecteur à appliquer les différentes méthodes à sa guise, selon ses préférences, afin qu’il puisse élaborer sa propre méthode. Il précise cependant qu’un raisonnement méthodologique rigoureux est un point capital et précise que le critère indispensable à la réussite de toute méthode participative est la prise définitive de décision.

 

Prendre des décisions collectives avec des méthodes participatives, Tony Noce, Chronique sociale, 2009.

Tony Noce a été chargé de mission au sein de la Ligue de l’Enseignement, ainsi que dans des administrations publiques. Il a également été responsable des formations au CREPS (Centre de ressources, d’expertise et de performances sportives) du Nord-Pas-de-Calais. Tony Noce a enseigné à l’université et à l’Institut régional du travail social (IRTS) du Nord-Pas-de-Calais. Il intervient toujours au CREPS des Hauts-de-France aujourd’hui en tant qu’indépendant. Tony Noce anime également des stages dans lesquels il forme des directeurs, des chefs de projet, des animateurs d’actions culturelles et socioculturelles, des travailleurs sociaux et des éducateurs sportifs.


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