Le Digital et la Démocratie Participative


Comme les autres secteurs de la société pourquoi la démocratie ne serait-elle pas impactée par l’explosion de la société digitale ? L’auteur propose donc de se pencher sur la démocratie participative digitale et ses « civic tech » qui permettent de venir à bout des problèmes logistiques de la démocratie participative. Il expose aussi les limites de ces innovations.

La participation citoyenne dont l’origine remonte à la Grèce ancienne, a vu son intérêt multiplié depuis la deuxième moitié du XXème siècle et cela particulièrement dans des pays où la décentralisation est bien assumée, voire poussée tel que la Suède, l’Allemagne ou encore les États-Unis (et bien sûr la Suisse).

Dans le cadre de la France, quelques exemples peuvent être cités pour illustrer la création et le renforcement de plusieurs cadres institutionnels qui accompagnent l’émergence de pratiques de participation citoyenne. La Loi de 2002 confère à la Commission nationale du débat public (CNDP) « la mission de s’assurer que le point de vue des citoyens soit pris en compte dans le processus de décision des grands projets d’aménagement et d’équipement d’intérêt national ». En 2016, c’est de manière participative qu’a été élaborée la charte de la participation du public.

 

« Le citoyen est de plus en plus éduqué et de plus en plus informé  par des médias qui diffusent l’information en continu et des réseaux sociaux omniprésents ».

Dans ce contexte, la technologie est-elle une solution à la crise de la démocratie représentative ?

Les évolutions sociétales et technologiques poussent au développement d’expérimentations de démocratie participative et notamment de plus en plus digitale. C’est d’ailleurs à partir des années 2010 que la littérature sur le numérique et la participation publique subissent une croissance fulgurante. Le numérique est vu comme un outil bonifiant de la démocratie publique qui la facilite et qui permet l’extension de la participation par la diversité d’outils.

« La démocratie participative digitale est l’utilisation de la technologie digitale pour les actes citoyens »

  • Elle signifie la mobilisation d’applications informatiques portables.
  • Elle s’applique à tous les actes citoyens, c’est à dire toutes les transactions qu’un citoyen a avec sa collectivité, que ce soient des transactions de biens ou services ou des échanges de co-construction.

Les Civic Tech, outils de démocratie participative digitale

L’auteur donne sa définition de ce que sont les Civic Tech ainsi que leurs buts.

Il s’agit de « toute technologie permettant d’accroître le pouvoir des citoyens sur la vie politique ou d’y rendre le gouvernement plus accessible, efficient et efficace ». Leurs but principale est de renforcer le lien démocratique en permettant de créer une nouvelle voie entre les citoyens et le gouvernement.

Ces technologies civiques permettraient à la population de s’impliquer davantage dans un territoire qui serait plus moderne et innovant et cela en touchant de nouveaux publics tel que les jeunes. Gains de temps pour les citoyens, elles permettent également une meilleure communication et appropriation des décisions par ces derniers.

Néanmoins, les Civic Tech, en plus de leur pérennité et de leur coût, provoquent des avis partagés notamment liés aux questions d’anonymat et de sécurité qu’elles impliquent. À l’aube de la gouvernance digitale, ce sont aussi le renforcement des barrières sociales ainsi que la création de typologies clivantes qui amènent à repenser la démocratie participative digitale.

L’instauration du numérique au service de la participation publique vient d’une part interroger la capacité des individus à utiliser le numérique en tant que citoyen mais également la capacité des employés de l’état à faire usage du numérique. Les institutions nationales françaises y semblent plutôt réceptives. Ainsi en mai 2016, le Secrétariat d’État au Numérique affirmait que huit technologies civiques pouvaient « rénover la démocratie et améliorer son fonctionnement ».

Angoulême, ville d’expérimentations des projets participatifs digitaux

Le livre présente aussi la démarche de démocratie participative effectuée dans la ville d’Angoulême où se sont déroulés des ateliers avec un outil digital mobilisé par les chefs de projets de la municipalité avec les citoyens. « Il s’agissait ici de mettre en œuvre une politique de contribution des citoyens et partenaires sur des projets majeurs intéressant la ville, avec des méthodes et outils adaptés ».

Ce type de projet nécessite pour les élus de déléguer une part de leur pouvoir décisionnel mais aussi d’augmenter leur disponibilité et leur écoute. Du côté des citoyens, car ces derniers entrent dans la co-production de décisions à intérêt collectif, cela implique de la responsabilisation.

Le but d’un tel projet est multiple, il s’agit de :

  • Renouveler les processus de concertation/contribution citoyenne
  • De transformer la relation au citoyen en le mettant en position de co-production
  • De renforcer la transparence des processus et résultats de la concertation

Ce projet, a permis grâce à la technologie digitale de mettre le citoyen en situation de collaboration et de co-construction avec les instances publiques.

 

En conclusion, la démocratie participative digitale est attractive grâce à ses nombreux atouts, néanmoins il semble qu’une participation physique soit toujours nécessaire. En effet, de manière complémentaire au digital, cette dernière stimule le lien social et permet la vitalité des valeurs démocratiques.

 

La démocratie participative digitale, D. Autissier, D. Debrosse, V.Lehmann, E.Metais-Wiersch, éditions EMS

David AUTISSIER est maître de conférences HDR IAE Eiffel et directeur Chaire ESSEC Changement et IMEO.

Denis DEBROSSE est chargé de mission Mairie d’Angoulême.

Valérie LEHMANN, MBA, PhD est professeure agrégée ESG UQAM Montréal.

Emily METAIS-WIERSCH est consultante et coach en management, ses spécialités sont l’innovation et le digitale, elle est aussi chercheure affiliée de la Chaire ESSEC IMEO.


Retour en haut