Comprendre le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC)


Clara Egger et Raul Magni-Berton s’efforcent de déconstruire les préjugés qui existent selon eux à propos du référendum d’initiative citoyenne dans cet essai paru en 2019. Ils montrent également comment le RIC pourrait être utilisé en France en prenant exemple sur d’autres pays comme la Suisss ou les Etats Unis.

 

Une démocratie plus directe pour favoriser la paix civile

Ces dernières années, les mouvements critiquant la démocratie représentative se sont multipliés. Qu’il s’agisse du mouvement des gilets jaunes ou de nuit debout, les manifestants aspirent à une démocratie plus participative et plus directe notamment via instauration d’un référendum d’initiative citoyenne.

 

Au fond cette demande n’a rien de bien révolutionnaire : le référendum d’initiative citoyenne n’est qu’un outil de plus permettant d’inclure les citoyens à la prise de décision politique. Instaurer le RIC, comme le souligne les auteurs, c’est aussi naturel et légitime que mettre en place un le suffrage universel.

Et dans les faits, inclure des citoyens à la prise de décision politique a toujours permis d’aller vers une plus grande équité sociale et une plus grande prospérité économique.

Selon Clara Egger et Raul Magni-Berton, le référendum d’initiative citoyenne associé à une autonomie politique et fiscale des territoires est une bonne solution pour pallier au problème de légitimité politique et économique que nous traversons aujourd’hui.

 

Certes, la démocratie directe n’est pas une solution miracle (en existe-t-il une ?). La majorité au même titre que nos représentants peut se tromper. Cependant et contrairement au système représentatif, la démocratie directe a le mérite d’inclure les citoyens dans la prise de décision, ce qui limite les contestations même lorsque les décisions sont erronées. Quitte à se tromper, autant se tromper ensemble donc…

 

« Les élites continuent à dire au peuple, vous n’avez pas compris, on va vous expliquer »

Ces mots, ce sont ceux de l’historien Gérard Noiriel prononcés au micro de France Inter en 2018 alors que le mouvement des gilets jaunes étaient en plein essor.

Selon l’historien, au moment de la crise des gilets jaunes les élites dirigeantes se sont élevés au rang de pédagogues expliquant au peuple ce qui était bon pour lui et ce qui ne l’était pas.

 

Ce type de comportement a renforcé la rancoeur et la haine des classes les plus modestes qui ont eu l’impression d’être prises de haut. S’en est suivi plusieurs mois de manifestations, de nombreux blessés graves, une riposte policière et des milliers de commerces confrontés à une pénurie de clients.

 

Alors, quel type de réponse peut-on apporter à ce type d’évènements ? L’une des réponses est sans doute le référendum d’initiative citoyenne.

Dans le premier chapitre de leur ouvrage, Clara Egger et Raul Magni-Berton rappellent que si le RIC avait existé en France au moment de la crise des gilets jaunes, il aurait suffit au groupe de réunir 700.000 signataires pour organiser un référendum sur l’abrogation de la loi sur la taxe carbone. Un référendum aurait alors été organisé. Si le « oui » l’avait emporté alors la loi aurait été supprimée, si le non l’avait emporté en revanche la réforme n’aurait sans doute pas donné lieu à l’immense contestation qui a suivi.

 

Comme le montre très bien cet exemple, le RIC vise à pacifier la société, il permet de rendre légitime une décision.

Il permet aussi aux citoyens de légiférer directement sur les sujets qu’ils souhaitent et non pas par l’intermédiaire de leurs représentants.

En outre, le RIC est inclusif : il permet à n’importe quel citoyen, lorsqu’il se sent prêt, de faire une proposition de loi. Ainsi, chaque citoyen  disposant d’un peu de temps pour rassembler suffisamment de signatures peut participer à la prise de décision politique. Aujourd’hui, une simple pétition sur internet pourrait suffire pour mettre en place un référendum.

 

Le RIC, l’antidote au populisme

L’une des critiques largement adressée au référendum est son caractère binaire.

 

Certains critiques estiment que le référendum conduit à des débats stériles, ils ne comprennent d’ailleurs pas l’intérêt de répondre par « oui » ou « non » à une question fermée. Ils estiment qu’entre le oui et le non, il existe en réalité tout un tas de propositions intelligentes.

 

Contrairement à ce que pense ces opposants, c’est le caractère binaire du référendum qui fait véritablement sa force.

Clara Egger et Raul Magni-Berton prennent un exemple tout à fait parlant :

Imaginons qu’un jour le gouvernement décide de construire un nouvel arc de triomphe à Paris.

Une partie de la population s’y oppose et récolte suffisamment de signatures pour mettre en place un référendum. La population n’a pas deux mais trois possibilités :

  • Voter « oui », c’est-à-dire voter contre le projet de l’arc de triomphe
  • Voter « oui mais», c’est-à-dire voter contre le projet du gouvernement s’il dépasse les 10 millions d’euros
  • Voter « non », c’est-à-dire soutenir le gouvernement et la construction d’un nouvel arc de triomphe.

Quel sera le résultat ? Le non l’emportera à coup sûr, parce que les opposants à la construction d’un nouvel arc de triomphe vont diviser leur voix entre ceux qui ne veulent pas du tout de l’arc de triomphe et ceux qui ne veulent pas d’un projet qui dépasse les 10 millions d’euros.

Le référendum binaire permet donc d’éviter de manipuler la population : on vote pour une seule question fermée à laquelle on ne peut répondre que par oui ou par non, ce qui permet d’éviter les manoeuvres politiques.

 

Le référendum d’initiative citoyenne donne donc du « pouvoir au peuple ». Qu’entend-on vraiment par cette expression ?

Car lorsque l’on dit « donner du pouvoir au peuple », on est souvent taxé de populiste. Et c’est vrai, en un sens, les populistes disent « nous allons rendre le pouvoir au peuple ». Mais le problème des populistes c’est qu’ils prétendent  représenter « la » voix du peuple. Or, il est impossible qu’une personne incarne à elle seule « la » voix du peuple, ni les « populistes » ni les représentants élus au suffrage universel.

 

Donner du pouvoir au peuple ce n’est donc pas affirmer que l’on représente le peuple, c’est tout simplement donner aux citoyens la possibilité de voter,  d’être candidat, de créer des associations, de manifester…ou au hasard organiser des référendums.

 

Le RIC : Comment ça marche ?

Il existe en réalité quatre types principaux de RIC :

  • Le RIC constitutionnel permet de modifier la constitution. La constitution étant le plus haut niveau de législation, le RIC constitutionnel produit une législation qui est difficile voire impossible à supprimer pour les représentants.
  • Le RIC abrogatif permet d’annuler une loi votée par le parlement.
  • Le RIC législatif permet de voter une loi.
  • Et le RIC révocatoire permet de révoquer un élu ou une assemblée élu.

 

Le RIC constitutionnel est donc l’outil qui donne le plus de pouvoir au peuple. En cas de litige entre le peuple et ses représentants, c’est le peuple qui l’emporte. Ce n’est pas une démocratie directe car il exsite de nombreux élus mais c’est une vrai démocratie où les citoyens sont souverains.

Aujourd’hui près de onze pays disposent du RIC constitutionnel parmi lesquels on retrouve notamment la Suisse.

Ce qui est intéressant en Suisse c’est que tous les referendums proposant une loi au niveau fédéral sont constitutionnels.

Autrement dit, lorsque les citoyens votent par référendum au niveau fédéral, ils ne votent pas pour modifier une loi mais bien la constitution suisse.

 

Ce type de référendum a été instauré en 1848 en Suisse. Pendant longtemps, il n’a pas été utilisé parce qu’il fallait réunir 10% du corps électoral autour d’une pétition pour organiser un référendum.

Aujourd’hui, il suffit de 100.000 signataires pour organiser un référendum dans le pays, ce qui correspond à 2 % de la population suisse.

Ce changement a produit des effets directs et aujourd’hui les suisses votent 4 fois par an sur des référendums.

Et globalement ces référendums réguliers ont permis aux citoyens d’obtenir plus de droits civiques et renforcé le contrôle des représentants.

 

Voici quelques exemples :

En 1918, les citoyens suisses votent en faveur du scrutin proportionnel offrant une meilleure représentation de la population.

En 1921, les citoyens ont voté en faveur d’un contrôle abrogatif des traités internationaux. En d’autres terme, les citoyens pouvaient s’opposer à la signature d’un traité international.

En 1946, les citoyens ont mis fin à la procédure d’urgence qui permettait aux gouvernants de faire adopter des lois sans qu’il y ai la possibilité de les abroger par référendum.

En 2017 enfin, les citoyens ont voté pour renforcer leur contrôle sur les traités internationaux.

*

Souvent décrié par les élites politiques, parfois fantasmé par les classes populaires, le référendum d’initiative citoyenne n’est pas une révolution. C’est un outil qui permet d’inclure les citoyens dans la prise de décision politique au même titre que le suffrage universel ou l’extension des droits civiques aux femmes. Or, comme le montre très bien l’exemple de la Suisse, inclure les citoyens à la prise de décision politique a toujours permis d’aller vers une plus grande équité sociale et une plus grande prospérité économique.

 

RIC, Le référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous.

Clara Egger, Raul Magni-Berton

Professeurs de sciences politiques, Clara Egger et Raul Magni-Berton sont tous les deux experts en pratiques démocratiques.

Engagés, ils ont créé ensemble divers mouvements autour de la démocratie directe.


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