Les Jeunes dans la Démocratie


Le rapport des jeunes, dans toute leur complexité sociale et économique, à la démocratie diffère des générations précédentes. Pour eux la démocratie est désormais un objet de débats. Ils privilégient souvent de nouvelles formes d’engagement (boycott, pétition en ligne…) au vote démocratique.

Qui sont les jeunes ?

Étudiez cette population demande à s’interroger sur sa définition. Pour cet article, c’est la tranche d’âge 18- 24 ans ainsi que les moins de 35 ans qui sont étudiés. Il est également nécessaire de se pencher sur l’homogénéité de cette population qui s’avère trouble. D’un côté, des jeunes pessimistes et angoissés, souffrent de précarité et de difficultés d’insertion due à leur manque de formation et de diplôme. De l’autre côté, une jeunesse socialement aisée et intégrée qui dispose de bonnes formations et de bonnes perspectives d’avenir.

Déconsolidation démocratique chez les jeunes mais pas que…

Chez les jeunes, ainsi que dans d’autres catégories sociales, nous observons un phénomène de déconsolidation démocratique. Ce phénomène se définit comme « un phénomène non pas de renforcement de la démocratie et de son caractère irremplaçable mais de prise de distance et de relativisation à son égard ». En 2020, l’enquête annuelle « fractures françaises » constate que 33% des Français pensaient que « d’autres systèmes politiques peuvent être aussi bons que la démocratie ». Aujourd’hui, 37% des moins de 35 ans doutent de la démocratie.

Un rapport différent à la démocratie entretenu par différentes crises

Le prix de la démocratie est inscrit dans les mémoires de ceux entre 52 et plus de 70 ans. Ces générations de « builders » et de « baby boomers » ont connu de près et de loin la seconde guerre mondiale, la guerre froide, les régimes totalitaires et les dictatures d’extrême droite dans le monde. Pour les générations Y et Z (tous ceux né après 1980), la démocratie est acquise et les combats se portent sur différents sujets tel que l’égalité, les genre, le racisme, le terrorisme, l’environnement ou encore l’insertion économique.

À cela, s’ajoute un repli individuel au sein d’une sphère dominée par la consommation ainsi qu’un rapport différent à la norme et à l’autorité. Les jeunes aujourd’hui sont partisans d’une société plus ouverte et tolérante avec une demande amoindrie en termes d’autorité. Ainsi, 41% d’entre eux sont d’accord « qu’on a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre » contre 54% des plus de 60 ans.

La norme est également une notion que les jeunes abordent différemment que leurs aînés. Alors que ces derniers la voient comme un système d’organisation qui ne doit pas être changé ou critiqué, les jeunes eux y voient quelque chose qui doit être discuté, prouvé et fondé.

La même situation se trouve dans l’opinion sur le vote, sujet que les jeunes semblent percevoir comme vide de sens.

« L’abstention est un phénomène complexe qui renvoie souvent à une relation subie, celle de l’exclusion sociale mais aussi … à la capacité que l’on à décrypter la scène politique, à la conviction possible que votre vote peut faire la différence, à la légitimité perçue des représentants et, enfin, au sentiment qu’il y a un enjeu à trancher et qu’il est tout simplement utile d’aller voter ».

Depuis les années 2000, il existe une crise du résultat (au moins en perception) dans tous les domaines de la société. Les jeunes sont les premiers touchés par cette crise qui impacte leur vision de la démocratie qu’ils n’associent pas à la prospérité économique comme les générations précédentes.

Deux sortes de crises s’ajoutent à celle des résultats, une crise de l’image des hommes politiques ainsi qu’une crise de la représentation ainsi, 69% des jeunes estiment que les représentants sont corrompus. Interrogés sur les élites (politiques, économiques, médiatiques…), 59% des 18-24 ans estiment que ces élites « prennent le plus souvent des décisions dont elles savent qu’elles ne vont pas dans l’intérêt de la majorité de la population ».

Désacralisation de la démocratie représentative oui, dépolitisation non.

Les jeunes sont à la recherche de nouvelles modalités d’engagement, qui serait plus souples, plus ponctuels, et axées sur des sujets concrets tels que l’environnement, le féminisme ou le racisme. Marches, pétitions en ligne et appels à boycott sont parmi ces nouvelles modalités. À l’inverse du vote, conçu comme moyen de résoudre les conflits d’intérêts, ces modalités sont plus enclines à la violence et à la radicalité.

Les jeunes, comme d’autres corps de la population, ont donc un rapport à la démocratie représentative et au vote qui s’affaiblit. La recherche d’une démocratie participative est une réponse à cette situation. Deux hypothèses restent pour l’auteur sur la table pour le futur : une hypothèse optimiste qui entend une démocratie renouvelée et revigorée par l’alliance de la démocratie représentative et participative ; une autre hypothèse, plus pessimiste, prévoit un lit de mouvement plus réactionnaire dû à une les frustrations grandissantes.

 

Les jeunes, la démocratie et le vote, par Brice Teinturier in Cahier Français.

Brice Teinturier, est un analyste politique français.  Il est directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos depuis 2010.


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