Les Quorums : Une Prime à l’Abstention


Deux chercheurs analysent l’impact des quorums sur la participation électorale au Pérou et en déduisent que les quorums ne permettent pas de lutter contre l’abstention mais peuvent au contraire favoriser les stratégies de boycott (article paru en janvier 2021)

Les quorums favorisent les stratégies de boycott

Rappelons-le, pour obliger les citoyens à participer plus, l’idée d’instaurer des quorums de votants (nombre minimum de participants à une élection ou un référendum) est souvent évoquée.

Selon l’étude de Karel Kouba et Michael Haman, instaurer un quota de participation minimum pour valider un référendum ou une élection, ne permet pas de stimuler la participation électorale mais peut même pousser au boycott. Dans le cadre d’un référendum par exemple, les opposants au changement peuvent décider de s’abstenir afin d’invalider le résultat du vote.

 

Les deux auteurs prennent l’exemple du Pérou, un pays dans lequel existe un référendum révocatoire permettant aux citoyens de révoquer leur maire.

Pour organiser un tel référendum, il faut que les signatures d’au moins 0,3 % des électeurs inscrits sur les listes électorales soient réunies.

Une fois cette condition réalisée, les citoyens peuvent voter et dire si oui ou non, ils souhaitent révoquer leur maire.

Néanmoins, pour que le maire soit révoqué, il faut une participation minimum de 50 % des citoyens de la municipalité.

 

Dans une telle configuration, les citoyens qui désirent défendre le maire en place ont deux choix.

Soit ils décident de voter « non » au moment du référendum, soit ils décident de boycotter purement et simplement le référendum en espérant que la participation soit suffisamment faible pour que le vote soit invalidé.

 

Dans les deux cas, la stratégie des citoyens qui souhaitent défendre le maire comporte des risques.

-Si les citoyens décident de voter contre la révocation du maire alors ils prennent le risque que la participation soit suffisamment importante pour valider l’élection.

-Si, en revanche, les citoyens décident de boycotter l’élection, ils prennent le risque de donner la victoire aux partisans de la révocation.

 

À travers cet exemple, Karel Kouba et Michael Haman montrent très bien les effets pervers du quorum. Au Pérou, l’instauration du quorum a donné naissance à des stratégies de boycott.

Il apparait donc clairement que le quorum ne favorise pas la participation politique des citoyens.

 

D’ailleurs, ce ne sont pas les citoyens qui vont décider individuellement de voter ou bien de boycotter l’élection. Ce sont plutôt les leaders politiques qui vont décider de la stratégie à adopter en fonction du contexte. Les partisans suivront ensuite les consignes de vote (ou de boycott).

 

Boycott ou vote : un choix difficile

Dans la deuxième partie de leur étude, Karel Kouba et Michael Haman tentent de déterminer les circonstances qui vont pousser les citoyens péruviens à préférer le boycott et les circonstances dans lesquelles ils vont préférer voter.

Selon eux, plusieurs éléments peuvent influencer les stratégies mises en œuvre.

 

-Tout d’abord, si la participation anticipée est forte, les opposants au changement vont plutôt encourager leurs partisans à voter. En revanche, si la participation est faible dès le départ, ils vont plutôt opter pour le boycott en espérant que les élections seront invalidées.

-Ensuite, les leaders politiques doivent prendre en compte le coût de la participation et le coût de la non-participation. Au Pérou par exemple, les citoyens qui ne votent pas sont sanctionnés financièrement. Ainsi, plus les coûts de la non-participation sont élevés, plus les leaders politiques vont opter pour le vote.

-De plus, les boycotts nécessitent une coordination entre les électeurs, qui peut être difficile et coûteuse. En conséquence, les petites municipalités dans lesquelles il existe des relations étroites entre les électeurs et leurs représentants sont plus susceptibles de mettre en place des boycotts.

-Finalement, si un boycott a réussi dans une municipalité par le passé, alors les leaders politiques mais également les électeurs seront plus facilement persuadés de réitérer l’expérience.

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En conclusion, le quorum ne permet pas véritablement de lutter contre l’abstention. Au mieux, il n’a pas d’effet sur la participation électorale, au pire il favorise les stratégies de boycott.

 

« When do voters boycott elections with participation quorums ? » in Public Choice

Karel Kouba et Michael Haman

Karel Kouba et Michael Haman sont tous les deux doctorants à l’université de Hradec Králové en République Tchèque.  Spécialistes de la participation électorale, ils publient régulièrement des études sur l’abstention, la représentation politique et les réseaux sociaux.


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