Le Déclin de la Démocratie Elective


L’historien et sociologue Pierre Rosanvallon nous propose des clés d’explications du désenchantement démocratique.

Pour lui, en théorie, le vote incarne l’expression de la souveraineté du peuple faisant de l’électeur un citoyen actif. C’est de moins en moins le sentiment des citoyens, c’est pourquoi des projets de réformes et des modifications institutionnelles ont été effectuées pour améliorer la performance démocratique des élections :

  • Élections à la proportionnelle
  • Adoption du principe de parité
  • Limitation des mandats pour limiter la professionnalisation de la politique
  • Mécanismes de révocation
  • Institutions indépendantes pour la garantie du bon fonctionnement électoral

 

« Les élections ont aujourd’hui une moindre capacité de représentation, pour des raisons institutionnelles et sociologiques » affirme l’auteur.

En 1789, Mirabeau disait à propos des représentants qu’il fallait qu’ils soient une image réduite de la société. Aujourd’hui, la centralité croissante du pouvoir exécutif et la crise de la représentativité démontre que nous sommes loin de cet idéal. Néanmoins, il est nécessaire de rappeler que la notion même de la représentation à évolué. La société était à l’époque composée d’ordres, de corps, de classes, de populations aux contours et aux caractéristiques bien définies. Elle est désormais le reflet du développement d’un individualisme de singularité à l’origine d’un nouvel âge de l’identité sociale.

 

« Son avènement a résulté d’une complexification et d’une hétérogénéisation du monde social, procédant également des mutations du capitalisme ».

L’individu-histoire, déterminé par son histoire personnelle et donc singulière, se superpose à l’individu-condition, identifié aux caractéristiques d’un groupe donné. La notion de représentation va de nos jours au-delà des conditions sociales et requiert de prendre en comptes les expériences de vie de chacun. « Des communautés d’épreuves se superposent ainsi aux traditionnelles identités de classe »

 

Une autre particularité à prendre en compte est l’assimilation pratique de la volonté générale à l’expression majoritaire, c’est-à-dire le fait que la majorité (à l’élection pour 5 ans en général) vaut pour la totalité. Sociologiquement parlant, le peuple est illustré par une succession d’histoire singulières et de situations spécifiques. De la même façon, la minorité s’exprime aujourd’hui comme « une des multiples expressions diffractées de la totalité sociale », reflétant la division de la société.

Les programmes politiques, autrefois représentatifs du lien entre le moment électoral et le temps de l’action gouvernementale, ont perdu de leur sens. « L’élection s’est réduite de fait à un simple processus de nomination ».

 

A ce « désenchantement démocratique », la réponse semble malheureusement se trouver dans le populisme lequel prétend pouvoir mettre en œuvre une politique de l’égalité et donner consistance à une mise au pas des forces de l’économie par la volonté politique.

 

« Le déclin de la performance démocratique de l’élection », extrait de l’ouvrage de Pierre Rosanvallon, Notre histoire intellectuelle et politique (1968-2018), Paris, Seuil, 2019, in Cahier Français n°420/421.

Pierre Rosanvallon est un historien et sociologue français. Ses recherches portent principalement sur l’histoire de la démocratie et du modèle politique français, et sur le rôle de l’État et la question de la justice sociale dans les sociétés contemporaines.


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