Publié le 8 janvier 2021. Mis à jour le 18 septembre 2024.
Manuel Arriaga, Rebooting Democracy – A Citizens guide to reinventing politics, éditions Thistle Publishing.
Manuel Arriaga est professeur de management et d’organisation notamment à Cambridge et à la New York University.
L’auteur propose ici de réinventer la démocratie en s’inspirant des meilleures pratiques de chaque pays. Il commence par analyser les défauts de la démocratie représentative, défauts impossibles à surmonter selon lui, puis propose 5 pistes concrètes pour améliorer le système représentatif.
Les défauts inhérents à la démocratie représentative
Selon M. Arriaga, les citoyens sont mal représentés par leurs élus pour 10 raisons :
- la corruption ou le simple ‘copinage’ ;
- la mauvaise motivation (il faut être démagogue pour être élu) ;
- le fait que la politique n’attire pas les bonnes personnes mais surtout celles et ceux qui aiment le pouvoir ;
- le sentiment des les politiciens qui se sentent au-dessus des lois et du contrôle des citoyens ;
- les élections qui rendent cyniques ;
- le besoin de respecter la norme des autres politiciens pour rester en poste ;
- l’identification aux autres élites (économiques…) par rapport aux représentés ;
- l’idéologie comme biais d’opinion ;
- la différence démographique par rapport aux représentés ;
- les limites du pouvoir politique.
Les causes profondes des limites de la représentation seraient donc à chercher dans 2 éléments clés :
– une trop forte délégation sans réel contrôle que nous pratiquons lors des élections ;
– l’impossibilité d’avoir une réflexion sérieuse : le système nous oblige à nous forger rapidement une opinion sur des informations qui nous sont pré-machées.
Alors que faire ?
Des pistes concrètes pour faire évoluer le système représentatif
L’auteur se réfère à 5 modèles :
- Recourir à la délibération citoyenne comme en Oregon
Les assemblées citoyennes tirées au sort, lorsqu’elles bénéficient des conseils d’experts, aboutissent à des opinions et recommandations raisonnables, proches de l’avis du plus grand nombre. Ce système, que pratiquaient les Grecs, est tombé en désuétude puis est finalement revenu sur le devant de la scène en 2004, en Colombie Britannique (Canada). Depuis 2010, en Oregon (États-Unis), qui pratique le RIC (Referendum d’Initiative Citoyenne) depuis 1902, un panel de 24 citoyens (tirés au sort et à chaque fois renouvelé) formule une explication et une recommandation sur chaque proposition soumise à referendum.
- Voter comme les Irlandais et faire campagne comme les Français
Le vote irlandais est un vote par priorité : chacun hiérarchise les candidats en fonction de ses préférences (‘Single Transferable Vote ou STV’). Ce système existe en Australie et en Irlande et permet d’avoir une assemblée élue plus représentative. Certaines règles permettent de redistribuer les votes d’un candidat : s’il a déjà assez de voix ou s’il n’est pas éligible, le surplus est versé sur d’autres candidats. Ce système est beaucoup plus performant que celui de la majorité simple, car il permet à des candidats populaires mais pourtant toujours en deuxième place d’être élus.
L’auteur mentionne également la France pour son contrôle des dépenses de campagnes, une vraie plus-value par rapport au système américain par exemple, où la course aux financements privés n’a pas de limite. En France, c’est l’argent public qui finance pour l’essentiel les campagnes, tout en restant proportionnel au score du parti.
- Surveiller les élus avec le RIC comme en Oregon (États-Unis) ou en Suisse
L’auteur souligne la faiblesse du contrôle entre les élections et note que le RIC permet aux citoyen d’appuyer sur une sorte de ’bouton rouge’, qui empêche les politiques de s’écarter trop de la volonté majoritaire. Mais selon lui, cela fonctionne uniquement si le résultat s’impose aux politiques.
- Apprendre de la presse tabloïd anglaise
Ici, Manuel Arriaga vise les institutions européennes, structurellement peu démocratiques et qui éloignent le citoyen de la prise de décision. Pour défendre la démocratie, il préconise des mécanismes similaires à ceux de la presse anglaise qui, avec ses outrances, ose rapprocher les préoccupations des citoyens et les décisions de l’Union et parle concrètement aux citoyens.
- Prendre du recul à Saint-Pétersbourg
L’auteur utilise un projet architectural communiste jamais réalisé pour souligner que nos démocraties n’ont pas de plans à long-terme. Il suggère qu’une assemblée de citoyens pourrait, par exemple, écrire une vision de long terme tous les dix ans et amender la précédente.
L’auteur propose donc des changements radicaux. Il rappelle que les deux arguments majeurs contre le changement démocratique (« le monde est trop complexe » et « les citoyens ne sont pas compétents ») sont très contestables, et revendique une position optimiste. Nous partageons son optimisme. Oui, nous pouvons agir et nous devons prendre de nouvelles initiatives pour améliorer le fonctionnement démocratique !
L’ouvrage est disponible en version numérique ici.