Accueil > Initiative Citoyenne & RIC > Comprendre le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC)

Comprendre le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC)


Publié le 26 avril 2021. Mis à jour le 27 septembre 2024. 

Clara Egger, Raul Magni-Berton, RIC, Le référendum d’initiative citoyenne expliqué à tous, 2019
Professeurs de sciences politiques, Clara Egger et Raul Magni-Berton sont expert.es en pratiques démocratiques. Engagé.es, ces deux collègues ont créé ensemble divers mouvements autour de la démocratie directe.

Dans cet essai, Clara Egger et Raul Magni-Berton s’efforcent de déconstruire les préjugés qui existent selon eux à propos du référendum d’initiative citoyenne (RIC). Ils montrent comment celui-ci pourrait être utilisé en France en s’appuyant sur les exemples d’autres pays, comme la Suisse ou les Etats-Unis.

 

Une démocratie plus directe pour favoriser la paix civile

Les critiques de la démocratie représentative se sont multipliées ces dernières années. Au sein de mouvements comme celui des Gilets Jaunes ou de Nuit Debout, les manifestants et manifestantes luttent pour une plus de participation et demandent notamment l’instauration d’un référendum d’initiative citoyenne. Rien de révolutionnaire : le RIC est un outil d’inclusion des citoyens et citoyennes à la prise de décision politique. Pour Clara Egger et Raul Magni-Berton, l’instaurer serait aussi légitime et naturel que la mise en place du suffrage universel, d’autant plus que ce genre de mesure a toujours permis d’aller vers une meilleure équité sociale et une plus grande prospérité économique.

De plus, associé à l’autonomie politique et fiscale des territoires, le RIC serait un premier pas vers la résolution de la crise de légitimité politique et économique qui ébranle notre système. Certes, la démocratie participative et directe n’est pas une solution miracle – en existe-t-il seulement une ? Elle n’annule pas les possibilités d’erreurs ; mais quitte à se tromper, autant se tromper tous ensemble…

 

« Les élites continuent à dire au peuple : ‘vous n’avez pas compris, on va vous expliquer‘ »

Ces mots sont ceux de l’historien Gérard Noiriel au micro de France Inter en 2018, alors que le mouvement des gilets jaunes est en plein essor. Selon lui, les élites dirigeantes se sont élevées d’elles-mêmes au rang de pédagogues, expliquant au peuple ce qui est bon pour lui et ce qui ne l’est pas et se positionnant en seules détentrices de vérité et de bon sens. Ce type de comportement, loin d’apaiser les tensions, a renforcé la rancœur des classes populaires (entre autres), qui ont eu l’impression d’être prises de haut ; elles sont alors descendues dans la rue et s’en est suivi plusieurs mois de manifestations et une riposte policière forte, avec un résultat de plusieurs blessés graves.

Clara Egger et Raul Magni-Berton rappellent que, avec le RIC, 700 000 signatures aurait permis à un groupe citoyen d’organiser un référendum sur l’abrogation de la loi sur la taxe carbone (déclencheur de la mobilisation des Gilets Jaunes), entraînant un immense débat public et permettant au peuple, directement, de statuer sur l’utilité d’une telle mesure. Cet exemple met en valeur la fonction pacificatrice du RIC, qui contribue à rendre légitime une décision. La législation n’est plus le seul fruit du travail des représentants et de leur volonté individuelle d’écouter ou non les revendications populaires. 

En outre, le RIC est inclusif : n’importe qui peut rédiger une proposition de loi, et sous réserve de disposer d’assez de temps, rassembler assez de signatures pour la soumettre au vote du peuple. Les outils numériques dont nous disposons aujourd’hui facilitent ces démarches, qui ne seraient donc pas si coûteuses pour la collectivité.

 

Le RIC, l’antidote au populisme

La principale critique faite au RIC tient à son caractère binaire (répondre « oui » ou « non » à une question fermée). Mais pour Clara Egger et Raul Magni-Berton, c’est justement celui-ci qui fait véritablement sa force.
Imaginons : le gouvernement décide de construire un nouvel Arc de Triomphe à Paris. Une partie de la population s’y oppose, et réussit à mettre en place le référendum. Le vote porte non pas sur deux mais trois choix : « non » (contre le projet) ; « non mais » (contre le projet s’il dépasse les 10 millions d’euros), « oui » (pour le projet). Ici, le non l’emportera à coup sûr, puisque les opposant.es au projets diviseront leurs voix entre le « non » et le « non mais ». A l’inverse, un choix binaire évite de manipuler la population et les manœuvres politiciennes.

Le RIC redonne donc du « pouvoir au peuple » mais est régulièrement taxé de populisme. Et s’il est vrai que l’expression se retrouve dans la plupart des discours populistes, ceux-ci portent en réalité au pouvoir une seule personne, qui prétend comprendre et représenter « la » voix du peuple, unique et indivisible. « Redonner le pouvoir au peuple », ce n’est donc pas affirmer que l’on représente le peuple, mais c’est véritablement donner le choix aux citoyens et citoyennes, leur permettre de voter et d’abroger des réformes pourtant massivement soutenues par la classe dirigeante.

 

Le RIC : Comment ça marche ?

Il existe en réalité quatre types principaux de RIC :

  • Le RIC constitutionnel qui permet de modifier la Constitution ; il serait alors particulièrement difficile – voire impossible – pour les représentant.es de modifier la nouvelle législation ;
  • Le RIC abrogatif qui permet d’annuler une loi votée par le parlement ;
  • Le RIC législatif qui permet de voter une loi ;
  • Le RIC révocatoire qui permet de révoquer un.e élu.e ou une assemblée élue.

Grâce au RIC constitutionnel notamment, en cas de litige entre le peuple et ses représentants, c’est le peuple qui l’emporte : sans transformer radicalement le système en démocratie directe (les élu.es existent toujours), la population ordinaire reste souveraine.

Aujourd’hui, onze pays disposent du RIC constitutionnel, dont la Suisse, qui l’instaure en 1849 : tous les référendums proposant une loi au niveau fédéral sont constitutionnels. Il n’est cependant pas utilisé pendant longtemps, les signatures de 10% du corps électoral étant nécessaire pour l’organiser, un seuil quasiment impossible à atteindre. Aujourd’hui, seules 100 000 signatures sont nécessaires (environ 2% de la population suisse) et les Suisses votent quatre fois par an, renforçant ainsi les droits civiques et le contrôle des représentant.es.

Quelques exemples :

  • En 1918, les Suisses votent en faveur du scrutin proportionnel, pour une meilleure représentation de la population ;
  • En 1921, le vote permet d’obtenir un contrôle abrogatif des traités internationaux (le corps citoyen peut désormais s’opposer à la signature d’un traité international) ;
  • En 1946, il met fin à la procédure d’urgence qui permettait au gouvernement d’adopter des lois sans possibilité de les abroger par référendum ;
  • En 2017 enfin, il renforce le contrôle populaire sur les traités internationaux.

*

Souvent décrié par les élites politiques, parfois fantasmé par les classes populaires, le référendum d’initiative citoyenne n’est pas une révolution. C’est un outil qui permet d’inclure les citoyens et citoyennes dans la prise de décision politique au même titre que le suffrage universel ou l’extension des droits civiques aux minorités. Or, faire confiance au peuple permet souvent d’améliorer la démocratie…


Retour en haut