Publié le 30 mai 2021. Mis à jour le 30 septembre 2024.
« Recall referendum around the world : origins, institutional designs, and current debates » par Yanina Welp, chercheur au centre Albert Hirschmann de Genève. Ses travaux portent sur la démocratie directe, les médias numériques et les mouvements sociaux.
Contribution à The Routledge Handbook to Referendums and Direct Democracy (dir. Laurence Morel et Matt Qvortrup).
Le recall est un mécanisme de démocratie directe permettant aux citoyens et citoyennes de destituer un élu. Cette pratique remonte à l’Antiquité : dans la République romaine, les tribuns du peuple pouvaient être destitués par les citoyens à l’issue d’un vote. Elle concerne aujourd’hui 25 pays mais ses modalités varient considérablement d’un territoire à l’autre.
Le recall à travers le monde
Il existe deux grands types de recall :
- Le recall direct, à l’initiative des citoyens et citoyennes, à condition qu’ils et elles réunissent suffisamment de signatures pour organiser le référendum et tenter de destituer l’élu.e en question ;
- Le recall indirect, à l’initiative des autorités (parlement, gouvernement, président).
Son organisation dépend de ce que la loi répond à ces différentes questions : qui peut être révoqué ? Pour quelles raisons ? A quelle date ? S’il est d’initiative populaire, combien de signatures exiger pour l’organiser ? Combien de temps accorder au recueil des signatures ? Quelles mesures font suite à la révocation de l’élu.e en question ? Dans la plupart des cas, la procédure est inscrite dans la Constitution, comme c’est le cas en Equateur : l’article 105 de la Constitution stipule que l’ensemble des élu.es équatoriens peuvent faire l’objet d’un référendum révocatoire si au moins 10% des électeurs et électrices inscrit.es aux listes électorales de la circonscription de l’élue en font la demande.
Le recall est souvent associé à la Suisse ou aux Etats-Unis. En réalité, seuls six cantons suisses prévoient la possibilité de révoquer une équipe de gouvernant.es, et non une seule personne, tandis qu’aux Etats-Unis, la procédure n’est ouverte que dans une trentaine d’Etats et selon des modalités bien différentes. En réalité, seuls 5 pays prévoient que le recall puisse être appliqué à toutes les autorités élues sans distinction : la Bolivie, Cuba, l’Equateur, le Venezuela et Taïwan (il faut toutefois souligner que la régularité des élections à Cuba ou au Venezuela est particulièrement contestée par les organisations démocratiques mondiales).
Enfin, le référendum révocatoire n’est pas limité aux démocraties libérales : il a également pu exister dans certains pays communistes, même si, en pratique, cela n’a jamais coïncidé à des élections libres.
Le cas de la Californie
En Californie, le référendum révocatoire permet à la fois de révoquer un.e élu.e et, dans le même temps, de choisir son ou sa remplaçant.e.
Le démocrate Gray Davis est élu au poste de gouverneur en 1999, puis en 2002, mais avec un soutien et une participation plus faible que pour la première fois. Peu après sa réélection, les républicains l’accusent d’une mauvaise gestion des finances californiennes et d’une dépense excessive de l’argent des contribuables ; le parti récolte suffisamment de signatures et organisent un référendum révocatoire, mettant face à face Gray Davis et Arnold Schwarzenegger, ancienne star du cinéma reconvertie à la politique. En 2003, le gouverneur démocrate est finalement démis de ces fonctions à 55,4% des voix, et le candidat républicain le remplace, avec 48,4%. C’est la deuxième fois seulement dans l’histoire des Etats-Unis qu’un gouverneur est démis de ses fonctions avant la fin de son mandat.
Le référendum révocatoire : une utopie ?
Comme d’autres mécanismes de démocratie directe, le recall divise fortement ses partisans et ses détracteurs.
Selon ses défenseurs, le recall permet aux électeurs et électrices de se débarrasser d’un fonctionnaire incompétent ou malhonnête, sans attendre la fin de son mandat. Il les encourage ainsi à s’intéresser aux mesures prises par leurs élu.es et donc à s’informer politiquer. Leur potentiel mécontentement s’exprime dans les urnes et non plus dans la rue, donnant ainsi au recall une fonction cathartique. Enfin, les politiques sont encouragé.es à écouter leurs bases électorales : le système représentatif leur donnant un mandat représentatif et non impératif, ils et elles sont théoriquement libres de ne pas respecter leurs promesses de campagne. En faisant planer la menace de la destitution, le recall les pousse à suivre un cap défini.
A l’inverse, les opposants au recall souligne que la procédure, très coûteuse, divise les citoyens et citoyennes plus qu’elle ne leur permet de débattre. Elle leur impose de se tenir informé.es entre les élections, ce qui n’est souvent pas ou mal le cas ; de plus, elle n’est pas compatible avec le principe républicain du mandat représentatif et non impératif. Enfin, le recall serait le plus souvent inutile : si il permet de destituer des élu.es, les problèmes de fonds ne sont pas discutés : ce sont des personnes qui sont mises en question, et non des politiques.
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Souvent décrié par les dirigeants, parfois fantasmé par le peuple, le recall n’est pas une révolution. C’est un outil qui permet de rapprocher les citoyens et les élus. Cela étant dit, il cloisonne le débat politique sur des personnalités, et non sur des idées : c’est peut-être son plus grand défaut.