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Le Système Politique Suisse


Publié le 30 mai 2022. Mis à jour le 10 octobre 2024.

Le système politique suisse est largement méconnu en France. Il est pourtant une source d’inspiration dans la recherche de solutions face à la crise de la représentation que traversent nos démocraties libérales. A titre d’exemple, le chercheur américain John Matsusaka et le politologue français Raul Magni-Berton y font régulièrement référence quand il s’agit de présenter des outils d’expression citoyenne et de lutte contre le populisme.

 

Démocratie semi-directe et démocratie de concordance

La Suisse est une démocratie semi-directe : l’électorat élit certes des représentant.es, mais est également amené à approuver ou refuser des lois lors de référendums. Le peuple conserve donc le dernier mot sur les décisions politiques. Il n’existe d’ailleurs pas de Cour constitutionnelle en Suisse.
Le mode de scrutin pour les élections y est proportionnel, c’est-à-dire que le nombre de sièges à pourvoir est partagé en fonction du nombre de voix recueillies. Le but est d’obtenir une meilleure représentation des différents points de vue exprimés. Ce scrutin est régulièrement opposé au scrutin uninominal majoritaire à deux tours français, qui a tendance à surreprésenter la majorité parlementaire et donc à sanctionner les minorités.

La plupart des décisions font l’objet d’un consensus : on parle de « démocratie de concordance » puisque les décisions ne se fondent pas sur l’opinion majoritaire mais sur la recherche de compromis. 

 

Un État fédéral

Depuis 1848, la Suisse est un État fédéral composé d’un gouvernement central, la Confédération, et de vingt-six entités autonomes, les cantonsLa fédération est organisée de telle sorte qu’aucun pouvoir ne puisse contredire un pouvoir supérieur. Chaque canton possède ses propres lois, pouvoirs (gouvernement, parlement, justice) et administrations (police, transports, système éducatif, etc.). La Confédération n’intervient que sur des enjeux inter-cantonaux : historiquement, la poste, l’armée, le chemin de fer ou, plus récemment la pandémie de Covid-19. Bien que les universités soient gérées par les cantons, les étudiant.es disposent d’un diplôme fédéral qui leur permet d’exercer dans tout le pays. 

 

Pouvoir exécutif et pouvoir législatif

Le système lutte contre la personnification du pouvoir. Même très nombreux, le personnel politique possède en réalité peu de pouvoir.

Le pouvoir exécutif est collégial : le pays est dirigé par le Conseil fédéral, composé de sept ministres issus des principaux partis politiques du pays. Il est élu par le Parlement, composé par les grands partis politiques et lui-même élu par le peuple.
La tradition
veut que le gouvernement suisse parle d’une seule voix ; il arrive donc que les ministres du gouvernement fassent campagne contre leur propre parti politique. Pour autant, le gouvernement semble très stable, et la plupart des ministres restent en poste plus de 10 ans. Par ancienneté, l’un des ministres devient Président pendant un an sans pour autant détenir un pouvoir supérieur aux autres ministres.

Le pouvoir législatif est composé d’un Parlement bicaméral, dont les deux chambres sont égales en termes de pouvoir. Le Conseil national est une représentation politique conforme au poids démographique de chaque canton. Un grand canton comme Zurich par exemple compte 35 élus alors qu’un petit canton comme Appenzell dispose seulement d’un élu. Le Conseil des Etats est quant à lui composé de deux élus par canton. Une loi n’est adoptée que si les deux chambres sont d’accord.
Le Conseil fédéral, y compris le Président, se rend au Parlement toutes les semaines pour discuter des lois et défendre ses positions.

 

Le contrôle citoyen

En Suisse, un droit d’initiative populaire permet au peuple de changer la constitution, à condition que 100 000 électeurs et électrices (2% de l’électorat) signent une pétition et soumettent au référendum. Dans la pratique, ce droit d’initiative sert aussi à adopter des lois qui auront donc valeur constitutionnelle.
Le référendum abrogatif permet quant à lui d’obliger le Parlement à soumettre une loi issue du processus législatif classique au vote populaire, à condition de réunir les signatures de 50 000 électeurs et électrices (1% de l’électorat).

Lorsqu’une souhaite lancer une initiative, elle dispose de dix-huit mois pour la récolte des signatures, puis dépose sa proposition au Parlement qui se charge de l’étudier. Trois issues sont alors possibles :

  • La proposition peut être jugée sans intérêt par le Parlement et le peuple statue par référendum ;
  • Le Parlement trouve la proposition intéressante et décide de la voter directement sans qu’il y ait besoin d’organiser un référendum ;
  • Certains éléments de la loi semblent pertinents et d’autres non ; le Parlement peut donc proposer un contre-projet en ne reprenant qu’une partie du texte. Le groupe citoyen à l’origine de l’initiative peut alors décider de la retirer, si le contre-projet leur plaît, ou de refuser la proposition du Parlement, et de soumettre le projet initial au référendum. Dans le second cas, il y aura donc deux votes, l’un sur le projet initial et l’autre sur le contre-projet. Le Parlement ne peut en aucun cas empêcher le vote.

Ces outils modèrent la vie politique, freinent les transformations rapides du système et constituent un contrôle législatif supplémentaire. Ils sont beaucoup utilisés par des groupes minoritaires, comme les catholiques et les mouvements ouvriers tout au long du XIXe siècle.
Ils permettent également de légitimer les décisions politiques, même dans le cas où un texte n’est pas soumis au vote populaire : c’est le simple fait de pouvoir le faire qui est ici important. Avoir ‘échappé’ au référendum peut même être une marque supplémentaire de consensus.

 

Le « Sonderfall » et l’ « Alleingang »

La Suisse a construit son identité autour du mythe fondateur de sa résistance aux puissances étrangères et à toute forme de tutelle. Dès lors, le peuple suisse est certain d’avoir un destin à part, c’est le « Sonderfall ». Il ne peut compter que sur lui-même : c’est « l’Alleingang ». L’idée d’adhérer à un pouvoir supérieur, sur lequel le peuple souverain n’aurait pas de prise, comme l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou l’Union Européenne (UE), a toujours provoqué de vifs débats. Le pays adhère tardivement à l’ONU (2002), et seulement à une courte majorité. L’adhésion à l’UE n’est quant à elle plus à l’ordre du jour depuis 1992, même si la Suisse est membre de l’espace Schengen. 

 

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Le système politique suisse est un régime où le dernier mot revient toujours au peuple, la souveraineté de celui-ci n’est donc pas une coquille vide. À l’heure où les tensions sociales sont fortes, ces outils de démocratie directe sont une source d’inspiration pour apaiser, légitimer et renforcer nos propres régimes.


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