Publié le 18 avril 2021. Mis à jour le 26 septembre 2024.
Karel Kouba et Michael Haman, « When do voters boycott elections with participation quorums ? » dans Public Choice
Karel Kouba et Michael Haman sont tous les deux doctorants à l’université de Hradec Králové en République Tchèque. Spécialistes de la participation électorale, ils publient régulièrement des études sur l’abstention, la représentation politique et les réseaux sociaux.
Dans cet article paru en janvier 2021, les deux chercheurs analysent l’impact des quorums sur la participation électorale au Pérou. Ils en déduisent que ceux-ci ne permettent pas de lutter contre l’abstention, mais peuvent au contraire favoriser les stratégies de boycott.
Les quorums favorisent les stratégies de boycott
La mise en place de quorums de votant.es, c’est-à-dire un nombre minimum de participant.es à un vote, est une solution régulièrement proposée face à l’abstention. Malheureusement, il pousse souvent à l’effet inverse, les opposants du changement choisissant de s’abstenir afin d’invalider le résultat du vote.
Karel Kouba et Michael Haman mène leur étude au Pérou, où le référendum révocatoire permet aux citoyens et citoyennes de révoquer leur maire. Un tel référendum nécessite les signatures d’au moins 0,3% des inscrit.es sur les listes électorales. Mais le vote en lui-même demande une participation minimum de 50%.
Celles et ceux qui ne souhaitent pas que leur maire soit révoqué ont alors deux choix : ils peuvent voter « non » lors du référendum, ou il peuvent le boycotter, espérant ainsi que la participation soit suffisamment faible pour que le vote soit invalidé. Ces stratégies comportent toutes deux des risques : en votant, ils et elles prennent le risque que la participation soit suffisamment importante pour valider l’élection, mais en la boycottant, le risque que la participation reste suffisante existe toujours, donnant ainsi la victoire à la révocation.
Les chercheurs illustrent ainsi clairement les effets pervers du quorum et mettent en lumière que celui-ci ne favorise pas (forcément) la participation politique. Il donne même lieu à des stratégies politiciennes, puisqu’en général, les citoyens et citoyennes ne décident pas individuellement de la stratégie à adopter : ce sont les leaders politiques, qui, en fonction du contexte, donne des consignes.
Boycott ou vote : un choix difficile
Dans la deuxième partie de leur étude, Karel Kouba et Michael Haman tentent de déterminer les circonstances selon lesquelles péruviens et péruviennes décident de voter – ou de boycotter. Selon eux, plusieurs éléments peuvent influencer les stratégies mises en œuvre.
- Le choix de la stratégie dépend tout d’abord beaucoup de la participation anticipée : si celle-ci est forte, on optera plutôt pour le vote, dans le cas contraire, plutôt pour le boycott ;
- Les leaders politiques doivent ensuite prendre en compte le coût de la participation et celui de la non-participation : au Pérou, celles et ceux qui ne votent pas sont sanctionné.es financièrement. Plus les coûts de la non-participation seront élevés, plus les leaders politiques opteront pour le vote ;
- De plus, les boycotts nécessitent une coordination de l’électorat, qui peut se révéler difficile et coûteuse. Ainsi, les petites municipalités, dans lesquelles les électeurs et électrices ont des relations étroites avec leurs représentant.es, sont plus susceptible d’utiliser le boycott ;
- Enfin, si un boycott a déjà réussi dans une municipalité, la population sera plus facilement persuadées de réitérer l’expérience.
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Conclusion : le quorum ne permet pas véritablement de lutter contre l’abstention. Au mieux, il n’a pas d’effet sur la participation électorale, au pire, il favorise les stratégies de boycott.