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Les Jeunes dans la Démocratie


Publié le 18 février 2023. Mis à jour le 14 octobre 2024. 

Brice Teinturier, « Les jeunes, la démocratie et le vote », Revue Cahier Français, 2021 (disponible en version numérique et en accès conditionnel ici).

Brice Teinturier est un analyste politique français, directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos depuis 2010. Il souligne ici que le rapport des ‘jeunes’ à la démocratie diffère des générations précédentes : la démocratie serait désormais un objet de débat. Cette tranche d’âge privilégie dorénavant de nouvelles formes d’engagement (boycott, pétition en ligne…) au vote.

 

Qui sont les jeunes ?

Les ‘jeunes’ correspondent ici à la tranche d’âge 18-35 ans. Mais cette catégorie reste trouble et hétérogène, puisqu’elle renvoie à une multiplicité de situations socio-économiques différentes. L’auteur différencie d’un côté, des jeunes pessimistes et angoissé.es, précaire, en manque de formations et de diplômes ; et de l’autre, une jeunesse socialement aisée et intégrée qui dispose de bonnes formations et de bonnes perspectives d’avenir.

 

Déconsolidation démocratique générale

Chez les jeunes, ainsi que dans d’autres catégories sociales, on observe un phénomène de ‘déconsolidation démocratique’, c’est-à-dire « un phénomène non pas de renforcement de la démocratie et de son caractère irremplaçable mais de prise de distance et de relativisation à son égard ». En 2020, l’enquête annuelle « Fractures françaises » constate que 33% des Français pensent que « d’autres systèmes politiques peuvent être aussi bons que la démocratie ». Aujourd’hui, 37% des moins de 35 ans doutent de la démocratie.

 

Un rapport différent à la démocratie entretenu par différentes crises

Le prix de la démocratie est inscrit dans les mémoires des générations de « builders » et de « baby boomers », qui ont connu de près ou de loin la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide, les régimes totalitaires et les dictatures d’extrême droite dans le monde. Pour les générations Y et Z (nées après 1980), la démocratie est acquise et les combats se portent sur d’autres sujets : l’égalité, les genre, le racisme, le terrorisme, l’environnement ou encore l’insertion économique.

À cela s’ajoute un repli individuel tourné sur la consommation, ainsi qu’un rapport différent à la norme et à l’autorité. Les jeunes aujourd’hui sont partisans d’une société plus ouverte et tolérante : 41% disent être d’accord avec l’affirmation « on a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre » contre 54% des plus de 60 ans. De plus, alors que les plus âgé.es perçoivent généralement la norme comme un système d’organisation qui ne doit pas être changé ou critiqué, les jeunes y voient plutôt quelque chose qui doit être discuté, prouvé et fondé.

La même situation se trouve dans l’opinion sur le vote, sujet que les jeunes semblent percevoir comme vide de sens.

« L’abstention est un phénomène complexe qui renvoie souvent à une relation subie, celle de l’exclusion sociale mais aussi… à la capacité que l’on a à décrypter la scène politique, à la conviction possible que votre vote peut faire la différence, à la légitimité perçue des représentants et, enfin, au sentiment qu’il y a un enjeu à trancher et qu’il est tout simplement utile d’aller voter. »

Depuis les années 2000, on observe  une « crise du résultat » dans tous les domaines de la société. Elle touche en priorité les jeunes, impactant leur vision de la démocratie, qui n’est alors plus associée à la prospérité économique comme les générations précédentes. Enfin, 69% des jeunes estiment que les représentant.es sont corrompu.es. Interrogés sur les élites (politiques, économiques, médiatiques…), 59% des 18-24 ans estiment que ces élites « prennent le plus souvent des décisions dont elles savent qu’elles ne vont pas dans l’intérêt de la majorité de la population ». 

 

Désacralisation de la démocratie représentative oui, dépolitisation non

Les jeunes sont à la recherche de nouvelles modalités d’engagement, plus souples, plus ponctuelles, et axées sur des sujets concrets tels que l’environnement, le féminisme ou le racisme : marches, pétitions en ligne et appels à boycott… À l’inverse du vote, conçu comme moyen de résoudre les conflits d’intérêts, ces modalités sont plus enclines à la violence et à la radicalité.

Les jeunes, comme d’autres corps de la population, ont donc un rapport à la démocratie représentative et au vote qui s’affaiblit. Dans ce contexte, Brice Teinturier formule deux hypothèse : l’une, optimiste, prévoit une démocratie renouvelée et revigorée par l’alliance de la démocratie représentative et participative, l’autre, pessimiste, annonce la montée en puissance de mouvements réactionnaires, liés à des frustrations grandissantes. 


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