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La République de Platon


Publié le 14 juillet 2021. Mis à jour le 03 octobre 2024. 

Né à Athènes entre 428 et 427 avant Jésus-Christ, Platon appartient à l’une des plus illustres familles d’Athènes. Il semble promis à une carrière politique, ce qui est alors la plus digne et la plus respectable fonction au sein de la cité. Aux alentours de 407 av. J.-C. Platon rencontre Socrate et se détourne du chemin qui lui était destiné pour s’orienter vers la philosophie. Il commence alors à écrire des dialogues dans lesquels il met en scène Socrate.

Dans son ouvrage majeur intitulé La République, Platon critique la démocratie, qu’il qualifie de régime politique instable dirigé par un peuple d’ignorants. Il lui oppose l’aristocratie, dirigée par des philosophes éduqués, où le savoir et la raison dominent.

 

La classification des régimes politiques selon Platon

Dans La République, Platon distingue cinq formes de gouvernements, qui se succèdent les uns après les autres :

  • L’aristocratie est le gouvernement des meilleurs ;
  • La timocratie est le gouvernement de ceux qui recherchent ce qui a du prix, de la valeur. Le pouvoir appartient donc aux ambitieux ;
  • L’oligarchie est le gouvernement des plus riches ;
  • La démocratie est le gouvernement du peuple ;
  • La tyrannie est le gouvernement d’un tyran qui « exerce son autorité selon ses propres vues ».

L’aristocratie est le meilleur des régimes politiques, puisque le pouvoir revient aux philosophes, qui maîtrisent la science politique et sont suffisamment sages et vertueux. Mais il se peut que les philosophes perdent progressivement le pouvoir, accaparé par des ambitieux avides de gloire et de richesse. L’aristocratie devient timocratie.

« Les hommes que vous avez élevés pour être les chefs de l’État, malgré leur habileté, pourront bien dans leur calcul, joint à l’observation sensible, ne pas saisir juste l’instant favorable ou contraire à la propagation de leur espèce ; cet instant leur échappera, et ils donneront des enfants à l’État à des époques défavorables. »

La timocratie aboutit à la concentration des richesses dans les mains de quelques citoyens, qui gouvernent alors seuls. C’est l’oligarchie.

« Qu’entends-tu par oligarchie ? — J’entends une forme de gouvernement où le cens décide de la condition de chaque citoyen, où les riches par conséquent ont le pouvoir auquel les pauvres n’ont aucune part. »

Par la suite, les plus pauvres, lassés d’être gouvernés par les plus riches, prennent le pouvoir et instaurent une démocratie.

« Eh bien, à mon avis, la démocratie arrive, lorsque les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, chassent les autres, et partagent également avec ceux qui restent, l’administration des affaires et les charges publiques, lesquelles, dans ce gouvernement, sont données par le sort pour la plupart. (…) C’est ainsi en effet que s’établit la démocratie, soit par la voie des armes, soit par la retraite des riches, effrayés de leur danger. » 

Enfin, la démocratie, parce qu’elle donne trop de liberté et de pouvoir au peuple, génère des tensions entre les citoyens. Ses tensions deviennent si fortes que le peuple se sent obligé de confier le pouvoir à un tyran pour éviter la guerre civile.

« Voyons donc, mon cher ami, comment se forme le gouvernement tyrannique ; et d’abord il est à peu près évident qu’il provient de la démocratie. Lorsqu’un État démocratique, dévoré de la soif de la liberté, trouve à sa tête de mauvais échansons qui lui versent la liberté toute pure, outre mesure et jusqu’à l’enivrer ; alors si ceux qui gouvernent ne sont pas tout-à-fait complaisants et ne donnent pas au peuple de la liberté tant qu’il en veut, celui-ci les accuse et les châtie comme des traîtres et des partisans de l’oligarchie. Or, vois-tu le résultat de tout ceci, combien les citoyens en deviennent ombrageux, au point de s’indigner et de se soulever à la moindre apparence de contrainte ? Ils en viennent à la fin, comme tu sais, jusqu’à ne tenir aucun compte des lois écrites ou non écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. Eh bien, mon cher ami, c’est de ce jeune et beau gouvernement que naît la tyrannie, du moins à ce que je pense. »

 

La démocratie ou le gouvernement d’une foule d’ignorants

Socrate croyait en l’intelligence collective. Il affirmait qu’une oligarchie composée des meilleurs et des plus brillants n’est pas forcément plus intelligente que la majorité. Mieux : une foule d’individus réglera toujours un problème de façon plus efficace qu’un petit groupe d’experts. Il est aujourd’hui rejoint par des spécialistes comme Hélène Landemore et James Surowiecki, qui démontrent que des individus modérément compétents mais dont les perspectives diffèrent aboutiront à des solutions plus satisfaisantes que les spécialistes.

La démocratie suppose ainsi que le peuple est capable de bonnes décisions. Or, pour Platon, c’est impossible, puisqu’il lui manque l’expérience et la sagesse, dont seuls disposent les philosophes. Ceux-ci sont patients, rationnels et capables de déconstruire leurs préjugés ; le peuple est au contraire ignorant et sot. Il a tendance à simplifier des problèmes complexes et à les traiter sans nuance, ne se fiant qu’aux apparences. La démocratie est donc « la dictature de l’ignorance ». 

« Il n’y a point, il n’y a jamais eu, il n’y aura jamais d’éducation morale qui puisse aller contre celle dont le peuple dispose ; j’entends, mon cher, d’éducation humaine, et bien entendu que j’excepte avec le proverbe ce qui serait divin. Sache bien que si, dans de semblables gouvernements, il se trouve quelque âme qui échappe au naufrage commun et soit ce qu’elle doit être, tu peux dire sans crainte d’erreur que c’est une protection divine qui l’a sauvée. (…) Il est impossible par conséquent que le peuple soit philosophe. »

 

La démocratie, un régime gouverné par des sophistes

Selon Platon, le peuple se laisse facilement manipuler par les démagogues, qui maîtrisent l’art oratoire et promettent l’impossible dans le seul but d’accéder au pouvoir. Au IVe siècle avant J.-C., le sophisme est une véritable école de pensée, fondée sur la recherche du succès par l’art de convaincre et séduire. Les sophistes ne se soucient donc pas de la vérité. Platon considèrent que ce sont de simples orateurs, qui mettent leur talent au service des préjugés de l’opinion. Il leur suffit de dire au peuple ce qu’il veut entendre, de flatter ses instincts, pour se faire élire. 

« Les sophistes qui, ayant commerce avec le peuple, s’appliquent à lui plaire. »

 

La démocratie, un régime que ruine la liberté

Platon oppose un idéal d’égalité géométrique (à chacun selon son mérite) à celui de l’égalité arithmétique (la même chose pour chacun) propre à la démocratie. Il estime que la démocratie est « un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal ».

L’ami de l’égalité vit donc au jour la journée dans cette complaisance pour le premier caprice qui se présente. Aujourd’hui il s’enivre et il lui faut des joueuses de flûte : demain il jeûne et ne boit que de l’eau ; tantôt il s’exerce au gymnase, tantôt il est oisif et n’a souci de rien ; quelquefois il est philosophe ; le plus souvent il est homme d’État, il se lance dans la politique, parle et agit à tort et à travers. Un jour, des gens de guerre lui font envie, et le voilà devenu guerrier : un autre jour ce sont des hommes de finances : le voilà qui se jette dans les affaires. En un mot, aucun ordre, aucune loi ne préside à sa conduite, et il ne cesse de mener cette vie qu’il appelle libre, agréable et fortunée. »

Comme chacun se sent libre de faire ce qu’il souhaite, des discordes et des tensions apparaissent ; et celles-ci deviennent si forte qu’il faut bien un tyran pour éviter la guerre civile.

« Dans une cité démocratique, tu entendras dire que cest le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cité. (…) Lorsquune cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle senivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite dhommes serviles et sans caractère. Par contre, elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont lair d’être gouvernés et les gouvernés qui prennent lair d’être gouvernants. Nest-il pas inévitable que dans une pareille cité lesprit de liberté s’étende à tout ? Quil pénètre dans lintérieur des familles, et qu’à la fin, lanarchie gagne jusquaux animaux ? Que le père saccoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et na ni respect ni crainte pour ses parents, parce quil veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger pareillement. » 

 

L’aristocratie, le meilleur des régimes

Selon Platon, l’Homme est composé de trois attributs : le cœur, le besoin et le savoir. Ces trois attributs correspondent à trois catégories sociales distinctes :

  • les philosophes détiennent le savoir, ils doivent donc gouverner la cité ;
  • les soldats assurent la défense de la cité, ils se distinguent par leur bravoure et leur courage ;
  • les paysans, les artisans, les commerçants doivent satisfaire les besoins domestiques des citoyens.

Platon est donc le théoricien du plus pur courant anti-démocratique et élitiste. Seule l’aristocratie, dirigée par le philosophe roi, est en mesure d’amener harmonie et justice.


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