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La démocratie des crédules, par Gérald Bronner


Publié le 14 janvier 2025. Par Cloé Lachaux.

Nous ne sommes pas que des idiots

Gérald Bronner, La Démocratie des crédules, Puf, 2013

Gérald Bronner est spécialiste des croyances collectives, professeur de sociologie et membre de l’Académie des Technologies et de l’Académie nationale de Médecine. Plusieurs de ses travaux ont été couronnés de succès, tels que La pensée extrême (Denoël, 2009), qui obtint le prix européen des sciences sociales d’Amalfi. 

Selon lui, l’amélioration du débat démocratique n’est possible que par le dépassement de nos biais cognitifs collectifs et de nos idées reçues. C’est en remettant en question nos convictions les plus ancrées que nous serons en mesure de nous écouter.

 

Gérald Bronner souligne notre tendance générale à l’adhésion à des thèses que nous pensons innées, alors qu’elles sont en réalité le résultat de biais cognitifs profondément ancrés, ainsi que notre propension à la méfiance, à la suspicion et au doute. Il tente de déconstruire ces biais et propose des pistes d’amélioration pour passer d’une “démocratie des crédules” à une “démocratie de la connaissance”.

 

Les rouages de la démocratie des crédules

Selon Gérard Bronner, notre adhésion aux complots et aux informations erronées est née de la révolution de l’accessibilité de l’information, démultipliée par les réseaux sociaux, Internet et la compétitivité des médias. 

D’une part, les moteurs de recherches sont au service de ce marché de l’offre en permettant une accessibilité et une pérennité de l’information (d’autant plus que les algorithmes mettent en avant les articles les plus consultés en dépit de la véracité des informations) ; de l’autre, la concurrence entre médias implique nécessairement de délivrer des informations le plus rapidement possible pour ne pas “louper le coche”. 

De plus, à travers une multitude d’exemples, l’auteur démontre que face à l’information, nous manquons de rationalité. Il met par exemple en avant plusieurs de nos biais cognitifs tels que “l’effet othello” : lorsque l’on doute, nous avons tendance à établir un scénario puis à chercher des éléments qui viennent le corroborer. Selon lui, l’idéal démocratique du “droit à savoir, à dire et à décider” serait ainsi erroné tant que nous sommes incapables de rationalité. 

 

Vers une démocratie de la connaissance

Gérald Bronner souhaiterait remplacer notre « démocratie des crédules », par une « démocratie de la connaissance ». Pour réaliser cet idéal, il propose plusieurs solutions telles que :

  • rendre accessible un réseau de connaissances traditionnelles non réfutables (par exemple que “la terre est ronde”) ; 
  • repenser notre système d’apprentissage et d’éducation sur un temps long, toutes matières scolaires confondues ; 
  • enseigner pédagogiquement l’esprit critique ;
  • repenser le système de communication en toute conscience de nos propres limites dimensionnelles, culturelles et cognitives, et s’exercer à la reconnaissance de nos biais ;
  • ne pas se laisser influencer par l’accumulation de “preuves” qui donnent du crédit à une théorie, alors même qu’elles paraîtraient dérisoires prises une à une ;
  • envisager la compatibilité du hasard et de l’improbable ;
  • identifier les défaillances des discours et argumentaires qui crédibilisent les théories des “savants d’illusion ».

 

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Selon Gérald Bronner, l’avènement d’une démocratie de la connaissance passerait ainsi par notre capacité à identifier et dompter nos biais et nos intuitions, en suspendant notre jugement face à des situations qui d’ordinaire nous auraient fait douter.


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