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Démocratie participative locale, l’exemple du Parti Socialiste


Publié le 26 février 2023. Mis à jour le 21 octobre 2024. 

Sous la direction de Marie-Hélène Bacqué et Yves Sintomer, La démocratie participative. Histoire et généalogie, éditions La Découverte, 2011

Chapitre 3, « Retour sur les années 1970. Le Parti socialiste, l’autogestion et la démocratie locale », par Rémi Lefebvre

Rémi Lefebvre est professeur de science politique à l’université Lille-2 et chercheur au CERAPS. Ses travaux portent sur la sociologie des partis politiques, la démocratie participative, le métier politique et les mobilisations électorales.

La démocratie participative locale fait l’objet de ce que l’auteur qualifie « d’investissements cycliques », alternant entre des phases d’enchantement et de désenchantement, d’investissement et de désinvestissement. Selon le contexte historique, les vertus de la démocratie locale sont interprétées différemment. Rémi Lefebvre revient ici sur la perception et la pratique de la démocratie locale dans les années 1970, via le cas du Parti Socialiste.

 

L’importance du contexte

Bien qu’on n’en retrouve aucune trace juridique, les années 1970 ont été marquées par un fort investissement démocratique local, qui fait notamment suite aux mobilisations de mai 1968. L’humeur est à « l’anti-institutionnel », et l’espace local est considéré comme le lieu de l’expérimentation.
A gauche comme à droite, la volonté participative sous-tend les discours. L’espace politique national est influencé par les groupes écologistes et le tout nouveau Parti Socialiste (PS), créé en 1969 et refondé en 1977. L’espace citoyen local, quant à lui, est mobilisé par des comités de quartier, des commissions extra-municipales, et des premières expériences référendaires.

Au début de la décennie, le PS active l’enjeu municipal, dans un contexte de mobilisation sociale historique et de volontarisme inédit dans le discours municipal lui-même. Le programme municipal de 1977 est ainsi fondé sur l’espace local, envisagé comme le cadre de vie permettant à toutes et à tous de répondre à ses besoins individuels et collectifs.

« (Le local) est à nouveau conçu discursivement comme un lieu de contre-pouvoir et de revendication mais aussi d’innovation et d’expérimentation sociales. »

Le PS en profite pour reconstruire son crédit politique et idéologique, perdu lorsque François Mitterrand avait pris la tête du parti en 1971. Il devient le « parti des classes moyennes », en lui offrant un espace politique, des pratiques sociales et un discours adapté, contribuant à la solidifier. Il renouvelle également la figure du maire, jusqu’à présent distante, éloignée de sa population, pour en faire un « maire animateur ».
Ces idées provoquent une résistance au sein même du parti. Mais celui-ci continue de prôner l’autogestion et ce qu’elle peut apporter à la démocratie représentative. 

 

« Les classes moyennes font le local qui les fait en retour »

La question municipale est repensée au coeur de celle de la démocratie locale. Bien que le concept reste flou, l’autogestion communale semble devenir le mot d’ordre à partir de 1974. Elle est définie ici comme « une prise en charge par tous les citoyens du vécu de la commune dans le cadre d’institutions dont en dernière instance la nature et les formes de coordination seront décidées par les communes elles-mêmes. » En 2006, Christophe Premat, alors encore député socialiste, dira que ce terme a été inventé pour se démarquer de la participation, notion apparemment plus de droite que de gauche.

La démocratie locale bénéficie alors de nouveaux outils, comme, on l’a mentionné, les commissions extra-municipales et des conseils de quartiers. L’objectif est de décentraliser la gestion des quartiers par le développement de corps intermédiaires libres et démocratiques.

« Le local est analysé et présenté à la fois comme un lieu d’inertie favorisant la reproduction des rapports sociaux et, potentiellement, une expérience porteuse de nouveaux rapports sociaux, de recherche de nouvelle formes de vie sociale et un laboratoire d’expérimentation sociale. »

 

La ville de Roubaix

Socialiste depuis 1893, la ville est présentée comme un laboratoire de démocratie locale, à l’instar d’autres villes françaises, entamant un nouveau cycle de gouvernance municipale.

La nouvelle équipe municipale issue des élections de 1977 inscrit à l’agenda action économique et démocratie locale. Le but est une plus grande autonomie de la société civile, jusqu’alors trop dépendante de l’institution municipale. Citoyens et citoyennes sont invité.es à formuler leurs besoins et demandes, et à entrer dans le dialogue politique. On cherche à la fois à responsabiliser la population et à reconstruire le lien représentatif, même si l’élu.e reste garant de l’intérêt général et arbitre des instances de participation.

Des comités de quartier et des questionnaires sont mis en place ; le journal municipal Vivre à Roubaix est créé en octobre 1977 pour assurer la transparence de l’action politique, complété un an plus tard par le Centre d’information municipal. Douze commissions extra-municipales sont créées, chacune représentant un domaine de la vie sociale. Elles sont chargées de faire des propositions et de discuter l’action de la mairie. Leurs remarques sont ensuite discutées par chaque commission municipale avant d’être présentées au conseil municipal.

Malheureusement, ces commissions se révèlent peu concluantes, car le nombre de réunion reste trop faible. Les conseils de quartier ne rencontrent pas non plus le succès escompté. Ils sont accusés de saturer l’agenda municipal avec des problèmes d’ordinaires laissés dans l’ombre, et trop contrôlés par le pouvoir municipal, par crainte qu’ils ne deviennent des contre-pouvoirs trop puissants.

Deux problèmes émergent donc. D’une part, le manque de participation de la population, probablement en raison du coût social que de tels dispositifs demandent. D’autre part, une démocratie participative trop balisée par le pouvoir politique.

 

Désinvestissement et inflexion du discours national

La victoire électorale du discours socialiste en 1977 finit par faire long feu. C’est la « petite bourgeoisie locale » qui profite le plus du partage du pouvoir municipal. Alors, face à un faible taux de participation, les maires retournent vers les anciennes pratiques. La question de la démocratie locale est abandonnée pour celle de la décentralisation, sujet sur lequel les élu.es sont au premier plan. En 1983, la campagne électorale du parti socialiste n’est déjà plus construite autour de la participative, et se tourne vers la qualité de la gestion municipale. Dans les années 1980, les villes socialistes convergent vers des modèles managériaux, loin du discours local de la décennie dorée.

 

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Pour Rémi Lefebvre, le discours politique du Parti Socialiste durant les années 1970, axé sur la participation citoyenne et la démocratie locale, n’était en réalité qu’un discours de subversion : il ne transposait pas une intention politique réelle, mais une simple volonté de renverser des équilibres politiques. Cela étant dit, les expériences menées restent des cas d’étude intéressants, propres à susciter une réflexion de fonds sur les modalités d’application de la démocratie locale et participative. Il est sans doute dommage, dans cette perspective, que les élu.es n’ont pas souhaité mener cette réflexion…


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