Publié le 30 mai 2022. Mis à jour le 09 octobre 2024.
Professeure de sciences politiques à l’Université de Louvain, Sofie Marien a publié de nombreux articles sur la démocratie, la communication et la psychologie en politique. Quant à Anna Kern, docteure en sciences politiques, elle est spécialiste de la participation citoyenne et des attitudes politiques.
Les deux chercheuses partent de l’hypothèse que plus de démocratie directe, notamment par le référendum, permettrait à des électorats, qui se sentent de moins en moins concernés par la vie politique de leurs pays, de stimuler leur engagement politique. L’objectif de leur étude est de vérifier cette hypothèse, en s’appuyant sur l’exemple d’une ville belge ayant organisé un référendum local.
La démocratie directe, un moyen de stimuler la participation politique ?
De la participation électorale à l’engagement partisan, en passant par l’action syndicale, toutes les formes d’engagement politique sont en baisse. Au second tour des élections législatives françaises de 2022, près de 4 inscrit.es sur 10 n’ont pas voté, ne participant donc pas à la désignation rituelle de représentant.es qui votent pourtant des lois qui régissent la vie quotidienne de ces personnes.
Cette diminution de la participation s’additionne à la méfiance croissante de l’électorat vis-à-vis des institutions et des acteurs et actrices politiques et suscite de vives inquiétudes quant à la légitimité démocratique des régimes occidentaux.
Plusieurs propositions ont pourtant été faites pour impliquer davantage les individus dans la prise de décision publique – en France, cela s’est notamment traduit par la Convention Citoyenne pour le Climat ou les cahiers de doléances dans les mairies.
Mais la réponse la plus forte à la démobilisation reste sans doute la démocratie directe. Au niveau local, les initiatives qui en dérivent gagnent en popularité, popularité accentuée par les effets directs qu’une décision locale a sur la vie quotidienne de la collectivité. Le référendum en particulier présente de nombreux avantages : vote sur des questions spécifiques, peu coûteux en temps et en argent, facile à organiser…
Des preuves empiriques rapportées par Sofie Marien et Anna Kern
Sofie Marien et Anna Kern ont cherché à démontrer empiriquement cet effet, en s’intéressant à Malines, ville moyenne de la région néerlandophone de la Belgique.
Au printemps 2015, la ville fait face à un problème d’embouteillage dans son centre, causé par des automobilistes traversant le centre pour se rendre à l’aéroport. En consultation avec ses habitants et habitantes, l’administration de la ville élabore un nouveau plan de circulation, mais celui-ci rencontre finalement une vive résistance. Un groupe de citoyens et citoyennes rédigent alors un scénario alternatif, et les deux propositions sont soumises au vote référendaire (ouvert à partir de 16 ans).
Le référendum est organisé le 26 avril 2015, et environ 2 000 des 7 700 (26%) des électeurs et électrices se déplacent. 63% des voix vont au plan alternatif, et celui-ci est donc mis en place dans les semaines suivantes.
Ce référendum a attiré l’attention de la collectivité : 7% seulement des personnes interrogées ont indiqué ne pas en avoir entendu parler. 57% ont considéré qu’un changement du plan de circulation aurait un effet important sur leur quartier, et 50% un effet important sur leur mobilité quotidienne. Sofie Marien et Anna Kern en ont tiré deux conclusions majeures :
- L’instauration d’une dose de démocratie directe renforce l’engagement politique de l’électorat à court terme et son niveau d’information ;
- Le référendum stimule la participation politique de celles et ceux qui l’ont remporté : autrement dit, si l’issue du vote va dans mon sens, ma participation politique se renforce.