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The decline and rise of democracy, par David Stasavage


Publié le 21 janvier 2025. Par Cloé Lachaux. 

Démocratie : regarder en arrière pour aller de l’avant

David Stasavage, The decline and rise of democracy. A global history from antiquity to today, Princeton, 2020

David Stasavage est un écrivain et professeur au département de sciences politiques de l’Université de New York. Il contribue notamment, depuis 2016, à une revue annuelle de sciences politiques, et certains de ses ouvrages, tels que Size, Power, and the Development of European Polities, ont été récompensés à de multiples reprises. En retraçant l’histoire des démocraties à travers le monde, il met ici en avant les fractures qui se sont opérées et les tensions qui se rejouent sans cesse. Regarder vers le passé, prendre conscience de notre histoire politique collective, c’est finalement trouver les clés pour améliorer nos démocraties modernes. 

 

Au-delà d’Athènes

Dans un premier temps, l’auteur rappelle que les démocraties antiques (‘early democracy’) dans des petites communautés et avec des assemblées qui prennent les décisions ne sont pas une spécificité grecque. On en trouve dans le monde entier et sur tous les continents. Le système des Iroquois, par exemple, très documenté par les jésuites français, était très sophistiqué.

Parmi ces démocraties antiques, Athènes tient une place à part car son système est à la fois très documenté, très complet et concerne une large population (300 000 habitants, 30 000 citoyens).

Durant le Moyen Age en Europe, certaines régions ont gardé des habitudes démocratiques.

 

Les faiblesses des premières démocraties

Selon David Stasavage, historiquement, plus les civilisations étaient avancées et plus les démocraties étaient faibles, d’où certaines préférences pour le système autocratique qui permettait un plus grand contrôle et une meilleure gestion des ressources humaines et matérielles. Au-delà de ces limites démocratiques pour gouverner, les régimes autocratiques se sont construits autour d’une forte bureaucratie, principalement pour répondre aux exigences de gestion de stocks, de flux et de taxations des avancées agricoles. C’est le cas de la Chine, par exemple, qui a longtemps profité d’une bureaucratie centrale pour répondre aux avancées techniques et à l’intensité de l’agriculture (production et mesure de biens et richesses).

Ainsi, plus les institutions étaient ancrées et la bureaucratie forte, plus l’autocratie était pérenne. Néanmoins, cela signifie que lorsque ces bureaucraties perdaient en contrôle, la nécessité de développer un gouvernement représentatif s’imposait, obligeant les gouvernants à négocier et coopérer avec les représentants (de grandes villes, de communautés…). Les premiers concernés étaient les Anglo-Saxons, en intégrant la notion de consentement et de mandats – c’est-à-dire de périodes de gouvernance – à leur système politique, ce qui leur a permis d’innover en s’élargissant à de nouvelles voix citoyennes (toujours majoritairement élitistes, mais plus diverses).

Dès lors, lorsque le reste des démocraties rejetait férocement les innovations au nom de la sécurité et des intérêts locaux, les Anglo-Saxons ont pu être les premiers à s’industrialiser en élargissant leurs intérêts à l’échelle mondiale et non plus locale. De plus, la vie de l’assemblée était beaucoup plus active que pour les autres pays, avec un système pyramidal mais collaboratif (« les cents », qui correspondaient à des unités territoriales, rendaient compte aux « comtés », qui rendaient compte à une cour appelée « shire », qui rendait compte à son tour au conseil du roi, le « witan »). Le réel changement s’est cependant opéré lorsque les monarques successifs ont permis aux parlementaires d’être des représentants sans être subordonnés à des mandats, ce qui a engendré une cohésion et une efficacité législative et gouvernementale inédite avec l’établissement de la suprématie parlementaire en 1688.

 

Les origines de la démocratie moderne : le modèle étasunien

Selon l’auteur, la démocratie naît avec le suffrage universel et cela vient des Américains.

Deux conditions ont permis le développement d’une démocratie américaine moderne : d’abord, l’abondance et la pénurie de main d’œuvre qui a demandé une forme de gouvernance large et consensuelle (exclusivement pour les hommes blancs libres) ; ensuite, l’intégration dans la Constitution d’une distance entre les électeurs et les représentants. Néanmoins, c’est la Révolution, à travers trois changements majeurs, qui les ont différenciés des Anglais. Le premier fut l’ouverture au suffrage national, le second l’instauration des élections régulières sur des périodes de représentation courtes, et le dernier fut les conquêtes sociales dans le temps.

Avec la propagation de ce système par les colonies et par l’influence de la Révolution américaine, les démocraties modernes n’ont cessé de croître. Pour comprendre cette influence, il faut envisager ces démocraties à partir des changements démocratiques qui se sont opérés, mais pas à partir de leur régime politique.

Le premier changement de masse a été l’ouverture du suffrage pour les femmes et la réalisation globale des élites qu’elles pouvaient tirer avantage de la démocratie au lieu de la craindre (les droits de propriété, la mainmise sur la culture, la politique, etc.). Le second changement de masse a été l’essor des (anciennes) démocraties, telles que l’Inde, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, supportés par des puissances extérieures (à l’époque en majorité par la France, les USA ou l’URSS). Enfin, le dernier changement a été la naissance des démocraties après la chute du mur de Berlin, en particulier en Afrique. Selon l’auteur, bien qu’elles soient en majorité des autocraties (gouvernements militaires, élections truquées), la faiblesse de leur état ne leur permet pas, à long terme, de résister à la démocratisation.

 

L’avenir des démocraties modernes

L’histoire suggère que la démocratie est une expérience qui a survécu, mais que cette survie s’est faite au prix de plusieurs fractures. La première fracture s’est opérée entre les premières démocraties et les démocraties modernes avec la participation périodique qui, en remplaçant la participation continue, a été source de perte de confiance et de désengagement politique.

La seconde fracture a été la subordination des États à la bureaucratie, et ce, en limitant la visibilité et le champ d’action des citoyens.

Selon David Stasavage, pour contribuer à réparer ces fractures, nous avons besoin d’investissements pour que les citoyens continuent de participer et de croire en la démocratie moderne. 

Dans un premier temps, il pense que le manque de confiance entre les populations et les gouvernements laisse le champ large à de nouvelles politiques, telles qu’une délocalisation de pouvoir effective, pour que les citoyens puissent agir et s’identifier à l’échelle locale. Cela nécessiterait de réintroduire les pratiques politiques à petites échelles, telles que les assemblées citoyennes ou les conseils locaux pour renforcer le lien entre les électeurs et les élus ; mais également de renforcer les bureaucraties locales pour mieux équilibrer le contrôle de la bureaucratie centrale. 

Cette revalorisation du pouvoir local serait ensuite soutenue par des médias locaux, qui, selon l’auteur, devraient retrouver leur importance dans la transmission d’informations, et essentiellement d’informations correctes. Enfin, il s’agirait d’insister à nouveau sur la séparation des pouvoirs, car l’exécutif exercerait une trop grande influence, y compris sur le pouvoir législatif, et ce, malgré notre système bicaméral.

 

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Dans ce livre, David Stasavage explicite les raisons pour lesquelles les discours actuels ne captent pas les points faibles des premières démocraties et entraînent une reproduction d’erreurs passées. De ce fait, il apparaît nécessaire, selon lui, d’élargir notre référentiel de la démocratie, en piochant parmi les exemples des “premières démocraties” et des “démocraties modernes” pour nous aider. Enfin, dans la mesure où nous souhaiterions toujours poursuivre le chemin de la démocratie, nous devrions nous concentrer sur deux challenges qui sont un pouvoir exécutif trop fort et la perte de confiance et d’implication des citoyens.


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