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La démocratie au péril des prétoires, par Jean-Eric Schoettl


Publié le 15 janvier 2025. Par Cloé Lachaux. 

Interprétez, jugez, statuez

Jean-Eric Schoettl, La démocratie au péril des prétoires : de l’État de droit au gouvernement des juges, Gallimard, 2022.

Jean-Eric Schoettl est un juriste, ancien conseiller d’État et secrétaire général du Conseil constitutionnel. Au-delà de sa carrière, il est aujourd’hui réputé comme auteur d’articles et de tribunes, en particulier au Figaro. Selon lui, le gouvernement français est aujourd’hui sous la coupe du pouvoir judiciaire, qui dispose de trop de marge de manœuvre. Or, cela met en péril notre démocratie. 

 

Les juges actuels, aussi bien administratifs et judiciaires que supranationaux, useraient trop de leur pouvoir d’interprétation de la loi, en la dénaturant et en réduisant sa portée, au détriment de l’État-gendarme et de la société civile.

 

Le juge tout-puissant

Selon lui, la loi n’est plus traductrice d’une volonté générale durable, mais “d’une règle du jeu provisoire, perpétuellement discutable”. Le pouvoir des juges serait tel qu’il bouleverserait la séparation des pouvoirs et leur confèrerait un ascendant sur le reste du peuple. Il pense que pour que ce peuple soit réellement souverain, la démocratie représentative devrait primer sur la jurisprudence, et que l’élection devrait primer sur le pouvoir juridictionnel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. 

En effet, l’auteur identifie plusieurs causes de dysfonctionnement de la société civile : la construction du droit en dehors de la loi, c’est-à-dire à travers des traités et des jurisprudences extrêmement contraignants (tels que les droits fondamentaux qui diaboliseraient “l’État-gendarme”) ; la pénalisation croissante de la vie publique avec un contrôle qui a augmenté et s’est diversifié, et l’affirmation des juges contre l’État régalien (avec la politique et le militantisme qui envahissent les prétoires). 

Ces dysfonctionnements n’auraient, à ce jour, aucun contrepoids démocratique, entraînant une “suprématie du droit subjectif”

Face aux causes qu’il pense responsables du rétrécissement de la souveraineté du peuple, Jean-Eric Schoettl envisage ainsi des mesures pour restaurer une “juste séparation des pouvoirs” et reprendre en main la fonction régalienne de l’action publique. 

 

Échelle supranationale

À l’échelle supranationale, et plus particulièrement de l’Europe, il propose tout d’abord de renégocier ou de suspendre les directives européennes qui contraignent les intérêts nationaux grâce à un jeu d’alliance avec d’autres États européens. Dans les cas où l’une de ces directives européennes serait trop contraignante pour être modifiée, il propose de suspendre unilatéralement son application au motif de sauvegarde de l’identité constitutionnelle, et de réviser la Constitution française pour que le droit international prime seulement sur les lois antérieures.

Enfin, il suggère de suspendre la participation de la France à des conventions telles que la Convention de Genève ou la Convention Européenne des droits de l’Homme, jugées trop coercitives, et d’exclure – sans contestation possible – la compétence de la Cour de Justice européenne des domaines régaliens nationaux. 

 

Échelle nationale

À l’échelle nationale, il est partisan d’une facilitation de l’ordre juridique interne, notamment en donnant la possibilité au Parlement de passer outre certaines jurisprudences incapacitantes de la Constitution (par le biais de révisions) et du Conseil constitutionnel. Toujours dans cette logique d’efficacité, il propose également de supprimer la Question Prioritaire de Constitutionnalité au profit d’une mesure moins intrusive pour l’administration.

En outre, Jean-Eric Schoettl souhaite rénover les fonctions juridiques – et en particulier celle des magistrats – en faveur d’un conseil de la magistrature moins corporatiste, en ouvrant la fonction de magistrat à d’autres spécialistes et en permettant leur mobilité dans la fonction publique. Cela mettrait fin à la “toute puissance” des juges et magistrats, dont il propose également de sanctionner les atteintes au devoir d’impartialité et les abus de jugement. 

Enfin, il prône la restauration de l’autorité et l’unilatéralité de l’ordre public. Il s’agirait, dans un premier temps, de replacer le parquet sous l’autorité du garde des Sceaux, qui a perdu de son pouvoir avec l’autonomie des juges, puis de redonner un soutien technologique et la capacité d’actions juridiques aux forces de sécurité pour renforcer le contrôle de l’État (vidéosurveillance, fichage, etc.). 

 

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À travers le constat d’un État impuissant et d’un peuple qui s’en sentirait délaissé, Jean-Éric Schoettl expose ainsi des propositions qui redonneraient le contrôle aux pouvoirs publics et un champ d’action plus large aux citoyens. Il est conscient que ce qu’il propose aurait du mal à être incarné par un candidat aux élections présidentielles, mais croit à la restauration de l’autorité de “l’état-gendarme”.


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