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Direct democracy, par Alexander Valiensi Kent


Publié le 23 janvier 2025. Par Cloé Lachaux. 

Démocratie directe 2.0

Alexander Valiensi Kent, Direct democracy: a modern solution to flawded democracy, Direct Democracy Network, 2024

Alexander Valiensi Kent est un auteur et théoricien politique américain. Direct Democracy : A Modern Solution to Flawded Democracy est son premier et unique ouvrage. Il propose ici un modèle de démocratie directe fondée sur la délibération numérique. Un modèle qui n’est peut-être pas exempt de défaut, certes, mais qui a le mérite de construire un contre-projet de société, au-delà de la simple critique.

 

Comment une démocratie moderne devrait-elle fonctionner ? Comment s’organiser pour faire réellement valoir la volonté du peuple ? Sur cette base, comment être fidèlement représenté ?
Pour Alexander Valiensi Kent, il n’y a qu’une seule réponse à ces questions : la démocratie directe. Par sa capacité à investir la volonté populaire à différentes échelles, à réduire la corruption et à renforcer le pouvoir citoyen, elle permettrait de faire évoluer et de moderniser les lacunes de nos démocraties. Il dresse ainsi, en trois parties distinctes, un tableau de la démocratie directe sous l’angle d’un processus politique capable d’assurer un avenir politique viable.

 

Une philosophie politique de la démocratie directe

Dans cette première partie, l’auteur se concentre sur la façon dont les décisions politiques sont élaborées et comment la volonté du peuple pourrait être maximisée. Selon lui, l’un des premiers devoirs de la démocratie directe est de s’attaquer aux décisions politiques, puisque la majorité des problèmes économiques et sociaux découlerait de mauvaises décisions ou d’inaction politique. Prendre de meilleures décisions politiques et les mettre en priorité dans l’agenda public résoudrait ainsi une grande partie des problèmes actuels.

Le cœur de la démocratie directe est de donner une voix de valeur égale à chaque citoyen en âge de voter, et ce, pour les décisions politiques à tout niveau de gouvernance. Ces citoyens seraient aptes à voter sur des questions qui sont aujourd’hui du ressort des élus, en plus des mécanismes accessibles tels que les initiatives populaires ou les référendums (leur participation ne se résumerait plus à des élections régulières et à des moyens de protestation ignorés). Néanmoins, le degré de leur participation tiendrait à leur volonté propre. Comme certains profils ont plus tendance à s’exprimer que d’autres, et pour éviter l’oppression, les discriminations ou la tyrannie de la majorité, un code légal serait mis en place pour assurer la représentation, la justice, l’égalité et la protection des droits individuels. Un tel système permettait dès lors de favoriser la transparence, la diversité des profils et des opinions, la non-concentration de pouvoirs, la coopération et une unité qui deviendrait idéalement systémique.

La mise en place de la démocratie directe n’implique pas la destitution des élus ni la fin des institutions actuelles, mais un système de délibération et de décision publique (à la majorité) concernant les sujets à privilégier dans l’agenda public, qui seraient ensuite repris par les élus. Ils voteraient alors l’application de ces politiques au sein des institutions actuelles et auraient un rôle de support pour améliorer la communication et l’efficacité des débats dans les forums publics.
Dans le système qu’il imagine, les élus et les institutions resteraient pour organiser les débats publics et voter l’application des politiques publiques choisies par les assemblées citoyennes.

Toutefois, l’auteur tient à préciser que, dans certaines mesures telles que des catastrophes naturelles ou nucléaires qui nécessitent des décisions immédiates, la démocratie directe serait caduque. Il en serait de même pour des questions classifiées telles que des conflits armés ou des opérations militaires.

 

Un outil pour mettre en place la démocratie directe : le réseau de démocratie directe

L’auteur élabore un réseau censé intégrer la démocratie directe à nos systèmes démocratiques. Il s’agit d’une plate-forme en ligne dont le but est de promouvoir la liberté politique, réduire la corruption et favoriser la collaboration à toute échelle de gouvernance. Pour ce faire, les citoyens tiendraient des discussions sur des questions et problématiques politiques et formeraient leurs opinions et leurs préférences selon les informations disponibles.

Concrètement, une fois le profil créé (avec l’identité légale vérifiée), les citoyens et élus seraient en mesure d’exprimer leur voix sur des questions politiques à la fois à destination des votants et des élus via des déclarations politiques. Ces déclarations politiques – formulées par une question binaire, à choix multiple, etc – seraient ensuite soumises à un vote, puis publiées sur la plateforme. Ces déclarations seraient postées pendant une semaine, le temps de laisser les participants interagir (spécifier leur accord ou désaccord, discuter…), puis fermées (pas supprimées) et publiées par l’équipe de développement avec leur nombre de votants. Aucune proposition ne serait bannie, puisque chacun serait en mesure de s’exprimer à l’encontre de l’argumentaire proposé. Il y aurait néanmoins un outil de vérification avancé pour sourcer les idées proposées et améliorer le contenu des débats.

Il s’agit d’une plateforme en constante évolution et ouverte aux propositions d’amélioration du public, si tant est que ces propositions soient motivées par la volonté de mieux représenter le peuple.

 

Horizon d’une démocratie moderne et réformée

Le principal avantage de la démocratie directe est la justice politique, avec, par exemple, l’absence de corruption, l’égalité des votants, la transparence des processus et la prise de responsabilité des élus. Les élus devraient profondément adhérer à la protection et à l’amélioration de la démocratie directe, et cela serait vérifiable par leur capacité à mettre sur l’agenda public les préoccupations des votants et l’analyse de leurs prises de positions via la plateforme numérique.
L’idéal serait d’être en mesure de choisir des élus capables de communication, d’intégrité et de transparence dès le début du processus de vote ; indépendamment des partis politiques qui n’existeraient plus (selon l’auteur, ils seraient inutiles dans une démocratie directe, et d’autant plus qu’ils sont pour lui synonymes de corruption).

Un autre changement majeur opéré par la démocratie directe serait l’unité du processus politique. Le partage d’informations et la confrontation aux arguments pluriels permettrait une telle dynamique d’ouverture aux opinions des autres que cela créerait une cohésion sociale inédite. En effet, dès lors que le système permet à chacun de s’exprimer librement en écoutant et respectant les opinions des autres, un citoyen serait plus apte à accepter la décision collective, même si elle est contraire à la sienne. Plus largement, le changement d’importance accordé aux institutions, au profit des citoyens, changerait le vocabulaire politique et médiatique commun. Cela permettrait de sortir de champs lexicaux spectaculaires et divisionnistes qui biaisent les opinions et empêchent de nous concentrer sur ce qui nous rassemble, et ainsi d’aboutir à un climat politique apaisé.

L’ensemble de ces nouvelles modalités assurerait ainsi la coopération et la confrontation d’idées multiples et de prismes inédits, avec des citoyens capables de résoudre des challenges complexes, même sans expertise avancée.

 

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De la même manière que des régimes autoritaires disposent de ressources démocratiques, les démocraties ne sont pas exemptes de dérives autoritaires (corruption des partis politiques, manque de représentation, manque de transparence, etc.). Après avoir analysé les lacunes et défauts de ces systèmes politiques, Alexander Valiensi Kent considère la démocratie directe comme une solution politique pérenne à investir. De ce fait, le modèle de démocratie directe conviendrait pour l’un comme pour l’autre.

Confiant dans la capacité de la démocratie directe à être introduite à différentes échelles pour vraiment représenter la volonté citoyenne, il a notamment développé une plateforme numérique qui supporterait sa mise en place. Ce serait ainsi un modèle de choix pour permettre l’égalité, la transparence, l’unité et la viabilité politique des générations futures.


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