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Démocratie, par Samuel Hayat


Publié le 23 janvier 2025. Par Cloé Lachaux.

Ecouter la rue

Samuel Hayat, Démocratie, Anamosa, 2020

Samuel Hayat est politologue, historien et chercheur au CNRS et au CEVIPOF-Sciences Po. Spécialiste des révolutions et de la sociologie des mouvements ouvriers français, il s’intéresse également de près à l’histoire et à la théorie de la représentation politique, notamment dans l’ouvrage 1848 : quand la République était révolutionnaire : citoyenneté et représentation (2014). Ici, il « part d’en bas » et s’appuie sur les revendications des derniers mouvements sociaux pour construire un contre-projet qu’il oppose aux régimes illégitimes d’aujourd’hui.

 

L’année 2019 est marquée à la fois par l’érosion de la demande de justice fiscale et sociale et par la dénonciation des élites politiques. Dans ce contexte, un mot caractérise la volonté plurielle des citoyens : la démocratie. D’un côté du globe, on revendique son système, de l’autre, on dénonce ses travers, ses manipulations et son irrespect.

La crise de la démocratie libérale est plurielle, protéiforme et indéniable. Les démocraties sont d’autant plus fragilisées qu’elles ne représentent plus un idéal. Mais au lieu de l’étudier à partir de la façon dont la pensent les États, Samuel Hayat choisit le point de vue de ceux qui s’en emparent comme un objet de lutte et de mobilisation.

 

Les citoyens désarmés 

‘Donner le pouvoir au peuple’ a une double signification : accorder un éventail plus large de pratiques du pouvoir aux citoyens ou mieux défendre les intérêts des plus démunis. Les mouvements de protestations sont à la rencontre de ces deux interprétations (gilets jaunes, taxe sur la communication au Liban, augmentation du prix des transports publics au Chili…) et constituent l’une des seules pratiques démocratiques qui restent aux citoyens.

En effet, selon l’auteur, si on pense aux origines de la démocratie en France, on se rend bien compte que le pouvoir du peuple n’a pas été imaginé au-delà de sa délégation à des représentants. Les élites intellectuelles avaient peur des masses, de leur nombre comme de leur prétendue manipulation, et ont limité l’implication citoyenne à une participation périodique. L’imaginaire démocratique s’est ainsi réduit au domaine électoral, et seuls les mouvements de protestations tentent de fragiliser cette certitude. 

 

Construire le gouvernement du peuple

Toutefois, Samuel Hayat pense que la souveraineté populaire porte ses propres limites (tyrannie unique ou de la majorité, discriminations, etc.) et que c’est en reconnaissant et en trouvant des solutions à ces limites que l’on peut commencer à envisager le gouvernement du peuple. 

Dans un premier temps, il propose un modèle dans lequel le pouvoir législatif appartiendrait aux citoyens “ordinaires”, hermétiques aux discours médiatiques et politiques concernant l’exercice de leur fonction (fabrique, application et sanction de la loi). De la même manière, l’auteur pense que ce principe devrait s’appliquer au niveau politique par des mesures de démocratie participative pour lutter contre l’absolution du pouvoir.

 

Sortir d’un système de domination

Dans un second temps, Samuel Hayat suggère d’organiser démocratiquement la division du peuple. Il dénonce un système de gouvernement où le choix des citoyens est limité à la légitimité du sage, du riche ou du puissant à gouverner et où la mobilisation contre ce système a été instrumentalisée par les partis politiques pour accéder au pouvoir. Un gouvernement qui repose sur l’opinion changeante de la majorité nécessiterait alors d’être remplacé par une démocratie réelle, au sein de laquelle les citoyens seraient dissociés du partisanat (qui concentre les passions sur un clivage droit/ gauche plutôt que riches/ démunis) et associés directement à l’exercice du pouvoir. Cet élément est d’autant plus essentiel qu’il permettrait l’intégration (au moins dans les discours) des plus démunis économiquement et culturellement, et qui n’ont actuellement pas l’opportunité de transformer leurs expériences et opinions en un vote. 

Enfin, il s’agirait de définir collectivement un objectif : selon l’auteur, cet objectif est l’égalité et la fin de la domination. Il incombe alors aux citoyens de mettre en œuvre les moyens d’y parvenir et d’être toujours en mesure de se remettre en question.

 

*

À travers cet ouvrage, Samuel Hayat propose des pistes pour les contours d’une démocratie réelle. Il pense que cela devrait commencer par la possibilité pour les citoyens à faire et voter les lois, c’est-à-dire par référendum, mais aussi à contrôler les corps étatiques et à prendre directement des décisions politiques. Ainsi, nous devons à notre tour instrumentaliser la possibilité que nous laisse la démocratie de nous rassembler et refuser collectivement d’être dominés (à l’image des réussites des mouvements noirs, féministes, de libération des minorités, etc.) pour tenter d’aboutir à une démocratie réelle.


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