Robert Alan Dahl (1915-2014) est un chercheur étasunien en science politique et théoricien majeur de la démocratie.
Photo : https://socialscienceworks.org/robert-a-dahl-on-pluralism-democracy-and-deliberation/
Parcours
Robert A. Dahl naît en 1915 dans l’Iowa. A 11 ans, il déménage avec sa famille en Alaska où il reste quelques années. Les souvenirs de son enfance lui ont inspiré un livre, After the Goldrush : Growing up in Skagway (2005)1.
Après avoir été diplômé de l’université de Washington en 1936, Robert A. Dahl obtient un doctorat, cette fois de l’université de Yale, en 1940. Sa carrière universitaire est néanmoins interrompue par la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il combat pour l’armée américaine. Il en revient décoré pour service distingué, retourne à Yale et participe au développement du département de sciences politiques. Il y enseigne jusqu’en 1986.2.
En parallèle, il est aussi membre de l’Académie nationale des sciences, de la Société philosophique américaine et de l’Académie américaine des arts et des sciences, membre correspondant de l’Académie britannique, membre honoraire de la Société des manuscrits et président de l’Association américaine de science politique entre 1966 et 19673.. Parmi ses faits marquants à Yale, il préside le comité qui approuve l’admission d’un nombre égal d’hommes et de femmes dans l’université, en 19724.
Il y reste cependant professeur et chercheur émérite, et Robert A. Dahl a contribué à modeler les sciences politiques pour en faire un domaine scientifique légitime, et a fait du département de Yale une référence universitaire au niveau mondial. Il reçoit notamment le prix Johan Skytte (considéré comme le prix Nobel des sciences politiques)5.. Il cesse de publier seulement quelques années avant sa mort, en 2014.
Thèses principales
Dans The Concept of Power (1957), Robert A. Dahl définit la notion de pouvoir ainsi : “A a un pouvoir sur B dans la mesure où il peut amener B à faire quelque chose que B ne ferait pas autrement.” Cette définition est passée à la postérité mais n’a pas été exempte de critiques, certain.es la trouvant trop simpliste6.
C’est son ouvrage Who Governs?: Democracy and Power in an American City, publié en 1961, qui le fait véritablement connaître du grand public. A partir d’une étude sur la ville de New Haven, dans le Connecticut, le politiste conclut à une “polyarchie”. Les postes politiques sont selon lui attribués en fonction de trois types de “ressources” : la richesse, la compétence et le prestige. Lorsqu’un petit groupe de personnes détient seul les trois, il s’agit d’une “oligarchie”, mais lorsque ces ressources sont partagées entre plusieurs groupes, l’auteur parle de “polyarchie”. Robert A. Dahl ne nie donc pas l’existence d’élites mais en souligne le caractère pluriel. Différents groupes dominants ont le pouvoir, sans jamais cumuler les trois, et des organisations non directement politiciennes jouent un rôle dans l’organisation sociale7. A la question “qui gouverne ?”, il répond : “ni la masse ni les leaders, mais les deux ensemble ; les leaders pourvoient au désir des masses et, en retour, utilisent la force que leur procurent la loyauté et l’obéissance pour affaiblir et même annihiler toute opposition à leur loi”8. Il affine son analyse dix ans plus tard dans Polyarchie (1971).
La “démocratie” serait quant à elle un modèle idéal de gouvernement, qui se décline en fonction des conditions socio-économiques d’une situation donnée. Elle répond en réalité à 5 critères clairement défini : “1) une participation politique effective, réelle ; 2) une stricte équivalence des votes ; 3) une possibilité pour tous d’avoir accès aux moyens d’information permettant de se faire une opinion sur un problème donné ; 4) l’opinion publique est prépondérante dans le processus de mise sur agenda ; 5) l’extension du suffrage à l’ensemble de la population adulte”9. Nos systèmes représentatifs occidentaux constituent, selon le chercheur, une forme de gouvernement de la minorité, même s’il ne faut pas non plus nier les outils existants de limitation du pouvoir.
Au cours des années 1970, probablement influencé par les nouveaux mouvements sociaux naissants, il accorde une plus grande place à la participation dans son analyse et reconnaît la valeur de la mobilisation citoyenne. En 1985, il publie Controlling Nuclear Weapons: Democracy Versus Guardianship, dans lequel il affirme que si effectivement, les décisions sur la politique nucléaire peuvent être trop complexes à comprendre pour une personne ordinaire, cette complexité pourrait être réduite voire annulée par l’information et le débat public, notamment grâce aux nouvelles technologies. Selon lui, un groupe d’experts d’élite ne garantit pas une décision morale et qualitative. Le pouvoir doit alors être redistribué10.
Son analyse se fait de plus en plus pessimiste vers la fin de sa vie, et dans How Democratic is the American Constitution (2002), il affirme que la Constitution et le système étasuniens n’est peut être pas aussi démocratique que l’on ne le pense.
Bibliographie
Ouvrages
- Congress and Foreign Policy, New York: Harcourt, Brace, 1950
- avec Lindblom, Charles E., Politics, Economics, and Welfare: Planning and Politico-Economic Systems Resolved into Basic Social Process, New York: Harper and Brothers, 1953
- A Preface to Democratic Theory, Chicago: University of Chicago Press, 1956
- Social science research on business: product and potential, Columbia University Press, 1960, 185p.
- Who Governs?: Democracy and Power in an American City, Yale University Press, 1961, disponible en version numérique à l’adresse : https://edisciplinas.usp.br/pluginfile.php/5894484/mod_resource/content/1/Dahl%20-%20Who%20Governs__%20Democracy%20and%20Power%20in%20an%20American%20City,%20Second%20Edition%20(2005,%20Yale%20University%20Press)%20-%20libgen.lc.pdf.
- A preface to democratic theory, Chicago Ill, 1963
- Modern Political Analysis, Prentice-Hall, 1963, 118p.
- Congress and foreign policy, New York, 1964
- Political oppositions in Western democracies, New Haven, 1966
- Pluralist democracy in the United States. Conflict and consent, Chicago, 1967
- After the Revolution?: Authority in a good society, New Haven. Yale University Press, 1970
- Polyarchy: participation and opposition, New Haven: Yale University Press, 1971, 257p.
- Democracy in the United States. Promise and performance, Chicago, 1972
- avec Edward R. Tufte, Size and Democracy, 1973
- Und nach der Revolution? Herrschaft in einer Gesellschaft freier Menschen, Frankfurt, 1975
- Dilemmas of Pluralist Democracy – Autonomy vs. Control., Yale University Press, 1982, 232p.
- A Preface to Economic Democracy, 1985,
- Controlling Nuclear Weapons: Democracy versus Guardianship, Syracuse University Press, 1985, 113p.
- Democracy and its critics, New Haven and London. Yale University Press, 1989, 397 p.
- Toward Democracy – a Journey: Reflections, 1940–1997, Institute of Governmental Studies Press, University of California, Berkeley, 1997, 1157p.
- On Democracy, Yale University Press, 1998, 224p.
- How democratic is the American Constitution? Yale University Press, 2003, 240p.
- After The Gold Rush, Xlibris Corp, 2005, 194p.
- On Political Equality, Yale University Press, 2006, 160p.
Articles
- « Decision-Making in a Democracy: The Supreme Court as a National Policy-Maker. » Journal of Public Law 6: 279–295 (1957)
- « Polyarchy, pluralism, and scale ». Scandinavian Political Studies (1984)
Contributions
- « The Concept of Power. » Systems Research and Behavioral Science 2(3), p.201–215 (1957)
- “Power in an American city. The executive-centered coalition” dans Political leadership in American government, p.324–347, (1964)
- “Lindblom, Charles E.: Social techniques”, dans Public policies and their politics, p. 1–13 (1966)
- “Patterns of opposition”, dans Political oppositions in Western democracies, p. 332–347 (1966)
- “Some explanations”, dans Political oppositions in Western democracies, p. 348–386 (1966)
- “The evaluation of political systems”, dans Contemporary political science: toward empirical theory, p. 166–181 (1967)
- “A critique of the ruling elite model”, dans Charles Wright Mills and the power elite, p. 25–36 (1968)
- “Equality and power in American society”, dans Urban politics and public policy. The city in crisis, p. 55–64 (1973)
- “Governing the giant corporation”, dans Corporate power in America, p. 10–24 (1973)
- avec Ian Shapiro et José Antonio Cheibub, The Democracy Sourcebook (2003)
- “What Political Institutions Does Large-Scale Democracy Require?”, dans Political Science Quarterly 120:2, pp. 187–197. (2005)
- https://yaledailynews.com/blog/2014/02/07/dahls-legacy-remembered/
- https://www.britannica.com/biography/Robert-A-Dahl
- https://politicalscience.yale.edu/news/robert-dahl-sterling-professor-emeritus-political-science-passes-away et https://politicalscience.yale.edu/people/robert-dahl
- https://yaledailynews.com/blog/2014/02/07/dahls-legacy-remembered/
- https://www.skytteprize.com/
- https://www.britannica.com/biography/Robert-A-Dahl
- https://shs.cairn.info/revue-raisons-politiques-2001-1-page-155?lang=fr
- https://www.scienceshumaines.com/qui-gouverne_fr_13058.html
- https://shs.cairn.info/revue-raisons-politiques-2001-1-page-155?lang=fr
- https://www.foreignaffairs.com/reviews/capsule-review/1985-09-01/controlling-nuclear-weapons-democracy-versus-guardianship