Le Nouvel Esprit de la Démocratie par la Participation


L’auteur étudie la nouvelle demande de participation qui s’illustrent de différents manières au sein des sociétés démocratiques. Son approche se veut réaliste dans le sens où il dessine clairement ses limites.

« Les formes classiques de la représentation politique survivent, mais leur légitimité s’amenuise et leur efficacité décline. Le pouvoir des institutions représentatives est partout rogné, leur autorité chahutée et leur capacité à imposer des solutions par le haut fortement érodé ».

Face à l’affaiblissement des structures traditionnelles de la démocratie représentative un « impératif participatif » prenant forme via différents instruments et à différents niveaux de gouvernement est apparue. Il se définit par une volonté de participation citoyenne au processus décisionnel mais également d’écoute par les représentants dont la pratique politique s’effectue loin de la vie sociale et de ses réalités. De ce fait, la prise en compte de l’avis des citoyens n’est plus cantonnée uniquement aux périodes électorales.

« La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une case, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant 5 ans. Elle est action continuelle du citoyen » disait Pierre Mendes France, homme d’état français du XXème siècle.

Qu’est-ce que la démocratie participative ?

Selon Benjamin Barber, politologue et écrivain américain, la démocratie participative est une étape inévitable du chemin démocratique. Pour d’autres, c’est la promotion d’une illusoire opinion citoyenne qui ne procurera aucun changement si ce n’est l’affaiblissement des corps politiques organisés tels que les partis, les associations, le Parlement et autres. Les avis envers la démocratie participative sont variés et dépendent des contextes sociaux, politiques et historiques.

Les premiers théoriciens de la démocratie participative se sont inspirés de Jean Jacques Rousseau et John Stuart Mill et fondent leur démarche sur une critique de la représentation. Ils placent l’engagement de chacun dans les affaires de la cité comme une condition de la liberté et de l’épanouissement individuels, deux dimensions indispensables de la démocratie

« La démocratie participative recherche la formation de communautés citoyennes actives, mettant l’accent sur l’engagement et la politisation des participants ».

« Le concept accueillant de démocratie participative semble devoir englober tout ce qui, dans la vie politique des démocraties contemporaines, ne relève pas strictement de la logique du gouvernement représentatif ».

Il existe actuellement, trois modalités d’institutionnalisation de la participation apparues à la fin des années 1980. Elles s’inscrivent dans le prolongement de formes de consultation plus anciennes. Ce sont :

  • Le modèle du budget participatif soit un processus qui permet aux citoyens de décider une partie du budget de leur collectivité territoriale à des projets choisis par ces derniers.
  • Le modèle du débat public est un processus qui permet la participation de tous citoyens volontaires au processus d’élaboration d’une politique publique portant des enjeux socio-économiques ou environnementaux
  • Le modèle du jury citoyen est un processus qui rassemble au sein d’une assemblée temporaire des citoyens tirés au sort. Le but est de formuler des recommandations sur des sujets de politiques publique et cela à la suite d’une formation citoyenne sur l’information et la délibération

La démocratie participative s’illustre par des débats, des conseils, des rencontres, des forums, toutes sorte d’initiatives au caractère strictement consultatif et sans obligation d’application de la décision. Il est également intéressant de relever les différentes origines de certains processus participatifs. Le budget participatif nous vient du Brésil, les jurys de citoyens ont une origine allemande et américaine et les conférences de consensus viennent du Danemark. On observe une véritable circulation internationale de dispositifs participatifs dont la transposition doit se faire en prenant compte des différents contextes sociaux et politiques. En effet, les modalités de ses dispositifs, effets et autres dépendant de chaque pays et donc de chaque sociétés différentes.

Aujourd’hui, le domaine de la participation tend à se professionnaliser avec l’émergence de groupes de « professionnel de la participation ». En France, cette professionnalisation est caractérisée par 2 pôles, d’une part un pôle d’anciens militants reconvertis dans le conseil et d’autre part un pôle constitué par des entreprises classiques de communication. Les dispositifs de participation font l’objet d’études approfondies, de standardisation ou encore de copyright. Il existe donc un risque de contrôle de la participation par des acteurs aux savoirs dominants.

Pourtant la démocratie participative tient sa force sociale dans les métadiscours, provenant de la sphère savante où politique, selon laquelle l’intervention citoyenne constituerait une réponse adaptée à une ou plusieurs évolutions structurelles de nos sociétés. Parmi ces évolutions, qui se renforcent mutuellement se trouvent :

  • Une complexification de la société
  • Une division de la société
  • Une élévation du niveau des compétences des citoyens
  • Une mobilisation de plus en plus accrue et efficace des citoyens
  • Un affaiblissement des structures de sociabilité et un repli individualiste
  • Une crise de la gouvernabilité

Réticence de la part des élites politiques et manque de participation de la part des citoyens

Pourtant même face à la réponse que pourrait apporter la démocratie participative, les élites politiques font preuve de réticence. Cette forme de démocratie qui réussit plus ou moins à l’échelle locale, est bloquée par l’apologie du maire et de son sens inné de la démocratie qui est une tradition française. L’auteur insiste sur le fait qu’au niveau local, les instances de participation ne sont que de la poudre aux yeux et n’ont aucun réel impact politique ou financier. Il ne vient cependant pas clamer l’inefficacité de la démocratie participative mais illustre son mal fonctionnement dans une société donnée.

« Tout indique que les élites politiques, en France tout particulièrement et en dépit de leur proclamation, restent attachées à une pratique exclusivement représentative du pouvoir, dans laquelle la participation ne peut se concevoir que sous une forme extrêmement encadrée et comme un simple adjuvant de la démocratie représentative ».

De la même façon, il existe un paradoxe en ce qui concerne la mobilisation des citoyens. En effet, loin de faire l’objet de mobilisations politiques massives, il s’agit majoritairement de groupements motivés et actifs mais peu nombreux.

Les limites de cette forme de démocratie

L’auteur s’attarde sur les limites des réalisations menées dans le contexte de la démocratie participative. Premièrement, celle-ci, se veut plus comme une « démocratie de proximité » voire d’enclaves. Deuxièmement, elle présente un risque de renforcement des inégalités politiques mais aussi d’une instrumentalisation. Finalement, la démocratie participative est toujours conçue comme un complément de la démocratie représentative et jamais comme un substitut possible.

Pour contraster ces limites, il convient de s’intéresser aux changements à effectuer à l’intérieur de ce modèle. Il faudrait :

  • Créer un enjeu, des intérêts et une véritable décision à prendre, car le conflit représente une dimension essentielle de la participation citoyenne
  • Pluraliser les sources de l’expertise publique
  • Reconnaitre la compétence citoyenne
  • Renforcer la transparence de l’action administrative

Les recommandations de l’auteur pour mener à bien la démocratie participative

Finalement, l’auteur consacre la fin de son ouvrage pour donner six recommandations pour une démocratie participative effective. Il s’agit de :

  • Prendre au sérieux les formes matérielles de discussion

Les formes matérielles influencent la nature même de l’échange, il faut donc la possibilité de négocier le cadre de la participation et avoir des règles institutionnelles clairement exprimées. Cela requiert également des moyens d’information, de communication et d’expertise ainsi qu’un encadrement professionnel des échanges.

  • Encourager l’émergence de pouvoirs neutres

Il faut des intermédiaires qui jouissent d’une indépendance réelle à l’égard de tous les autres acteurs.

  • Promouvoir une constitution démocratique mixte

« La démocratie se doit encore de nos jours d’être autant partisane, syndicale, associative que participative »

  • Jouer sur la complémentarité des dispositifs
  • Repenser la relation à la décision

La démocratie participative n’a pas vocation à produire directement de la décision.

  • Réaffirmer sans cesse l’idéal d’inclusion

 

« La démocratie participative n’a de sens que si elle contribue à enrayer les logiques d’exclusion sociale qui caractérisent aujourd’hui le fonctionnement ordinaire de nos démocraties. »

Cet ouvrage engagé pour la démocratie participative cherche donc à proposer des solutions pour que celle-ci devienne effective.

 

Le nouvel esprit de la démocratie, Loïc Blondiaux, éditions du seuil.

Loïc Blondiaux est professeur de science politique à l’université Paris-| Panthéon-Sorbonne. Il dirige la revue Participations (De Boeck)


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