La Question Référendaire


Les auteurs de cet article analysent les critères indispensables pour que la question posée dans un référendum soit la mieux comprise par tous les citoyens mais constatent finalement que d’autres facteurs semblent influer sur les votes et que la formulation semble en réalité secondaire.

Et bien sûr une question référendaire, même mal formulée, sera toujours plus claire que l’élection d’une ou d’un élu qui reste au fond la question la plus floue possible dans un vote.

Influence de la formulation d’une question sur le vote des citoyens

Les référendums, en particulier ceux qui portent sur l’autodétermination d’un territoire, sont des événements majeurs pour un peuple ou une communauté nationale. Le référendum sur le Brexit en Grande-Bretagne ainsi que le référendum sur la légalisation de l’avortement en Irlande ont ainsi représenté des moments importants dans le développement politique de ces États.

 

Très souvent, les référendums engendrent des débats intenses entre les partis politiques, tel le référendum sur le Brexit qui a divisé les différents partis politiques britanniques.

De nombreux chercheurs ont donc montré à quel point les campagnes politiques organisées autour des référendums avaient une influence décisive sur les résultats. Cependant, très peu de chercheurs se sont interrogés sur la formulation des questions soumises à référendum.

 

François Rocher et André Lecours se sont penchés sur cette question et en ont déduit que la phraséologie peut avoir un impact sur le résultat des référendums.

 

Différents facteurs semblent influer sur le choix des électeurs :

– la formulation de la question (orientation positive ou neutre) ;

– le choix des mots (simples, complexes, usuels, techniques) ;

– le nombre de phrases ;

– la présence de choix multiples ;

– la référence à des documents externes.

 

Une bonne question, semble-t-il, devrait être : simple, courte, intelligible et neutre. Cependant, une question qui répond à ces quatre critères ne garantit pas forcément l’absence d’ambiguïté. Ainsi, un électeur à qui l’on demande de se prononcer sur l’indépendance de sa région pourrait s’interroger sur la signification de ce terme car derrière ce mot plusieurs significations peuvent coexister.

Les auteurs prennent l’exemple de la Cour suprême du Canada qui, en 1998, a soutenu que « les questions soumises à référendum devaient être formulées sans ambiguïté et de façon tout à fait neutre », mais elle a omis de définir des critères de clarté.

 

Alors, comment juger de la clarté et de la neutralité d’une question ? Dans les faits, il n’existe pas de définition de la clarté et de la neutralité.  Pour certains, clair signifie « intelligible, compréhensible ». Pour d’autres, clair sous-entend bien sûr « facilement compris » mais aussi « ne laissant aucune place à des interprétations divergentes ».

Le problème réside dans le fait qu’une langue peut être utilisée de plusieurs façons et n’est donc pas un outil de communication parfait, sans ambiguïté ni controverse. Il semble donc difficile, voire impossible de poser une question neutre et simple sur des sujets aussi complexes que l’indépendance d’un État ou la légalisation de l’avortement par exemple.

 

Néanmoins, il semble important de tendre vers une forme de neutralité. Le Royaume-Uni, par exemple, a créé une commission électorale qui veille à ce que la question soumise à référendum réponde à un certain nombre de critères :

– la question doit être claire et simple, c’est-à-dire facile à comprendre ;

– elle doit aller droit au but et ne pas être ambiguë ;

– elle doit être neutre, ce qui signifie qu’elle ne doit pas inciter les électeurs à considérer une réponse plus favorablement qu’une autre ou les induire en erreur.

 

Les efforts déployés au Royaume-Uni pour proposer une question référendaire claire et neutre illustrent le fait que les acteurs politiques craignent la crainte une éventuelle partialité.

 

D’autres facteurs qui influent sur le choix des électeurs

En fait, qu’elle soit très simple ou très complexe, la formulation des questions soumises à référendum semble relative.

Pour exemple, la question posée lors du plébiscite sur le rattachement de la Savoie à la France en 1860 était la suivante : « La Savoie doit-elle être rattachée à la France ? ». Il s’agit d’une question limpide et précise. Néanmoins, les circonstances dans lesquelles le vote s’est déroulé peuvent être considérées comme très problématiques. A cette époque l’Église exerçait une grande influence politique, le droit de suffrage était réservé aux hommes et il n’y avait ni isoloirs, ni bulletin de vote marqués « non ». En conséquence, 98 % des votants ont approuvé le référendum. Dans ce cas précis, plus que la formulation, c’est le contexte dans lequel était organisé le référendum qui importait.

 

Autre cas : le 9 novembre 2014, le gouvernement catalan a organisé un vote sur l’avenir politique de la Catalogne.  Les Catalans étaient invités à répondre aux deux questions suivantes : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État ? Voulez-vous que cet État soit indépendant ? ».

Il y eut de nombreux débats politiques sur la formulation de ces questions. Certains observateurs ont fait remarquer que la notion d’« État non indépendant » (répondre oui à la première question et non à l’autre) prêtait à confusion.

Mais dans les faits, les Catalans n’ont pas vraiment prêté attention à cette formulation et les individus qui étaient pour que la Catalogne soit un État étaient aussi pour l’indépendance. En d’autres termes, on avait deux camps bien définis : les partisans de l’indépendance et les opposants.

Il est souvent difficile, voire impossible, de proposer une réforme constitutionnelle dans des termes simples et neutres.

De toutes les façons la signification de la question est très souvent débattue par les politiques. En d’autres termes, les électeurs ne sont pas forcément influencés par la formulation de la question, mais souvent par les campagnes politiques qui entourent le référendum.

*

Au final, les votants prêtent assez peu d’attention à la clarté de la question posée.

Il est bien sûr souhaitable qu’une question soit à la fois simple, courte, intelligible et neutre.

Mais même si elle ne remplit tous les critères, le vote sur une loi reste plus clair que le vote pour une ou un élu.

 

« The correct expression of popular will : does the wording of a referendum question matter ? » par François Rocher et André Lecours in The Routledge Handbook to referendums and Direct Democracy (Dir. Laurence Morel)

François Rocher est professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent notamment sur le fédéralisme canadien, le nationalisme, la citoyenneté et l’immigration.

André Lecours est lui aussi professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Il travaille principalement sur la politique canadienne, la politique européenne, le nationalisme et le fédéralisme.


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