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Internet et le Débat Public


L’auteur décide dans ce chapitre de se consacrer au débat public numérique, ses avantages et ses inconvénients. Il insiste sur le côté idéalisé des technologies numériques et propose un nouveau regard sur ses dernières.  « L’objectif du débat public est d’informer le public, de veiller à sa participation, d’éclairer le maître d’ouvrage et de légitimer la décision ».

Au sein du débat public, la délibération est clé car selon Jürgen Habermas, théoricien allemand de philosophie et de sciences politiques « seule la délibération est susceptible d’entrainer un effet de légitimation ». Celle-ci permet la confrontation d’idées et d’expériences de vie et donc que la décisions prise représente le plus possible l’avis de la société.

De nos jours, les moyens de production d’informations et de communications ont vécu une véritable « révolution numérique » et disposent d’une certaine influence sur le fonctionnement démocratique. Cette révolution à mis à jour un espace public numérique avec la volonté d’agir en dehors voire contre les institutions traditionnelles, peuvent être cités les Printemps Arabes, Occupy Wall Street, ou le hashtag #MeToo …mais également une séries de menaces envers le fonctionnement de la démocratie. Internet ressemblerait alors plus un terrain d’expression des colères et du populisme.

 

Les avantages des nouvelles technologies numériques

Le centre de gravité de la démocratie, contenu traditionnellement dans nos institutions aurait, selon Dominique Cardon, basculé vers une « démocratie d’internet ». A ce sujet, il dit d’internet que c’est un « espace d’expérimentation démocratique qui rend possible un débat public émancipé de nombreuses contraintes matérielles inhérentes à la prise de parole, donnant l’occasion à chacun de s’exprimer à sa convenance, sans attendre la permission des autorités traditionnelles (politiques, médiatiques, universitaires …)».

Le Web représente en effet une immensité de fragments d’opinions numériques individuels et collectifs qui sont impossible à échantillonner. Cet espace non-unifié possède un fonctionnement constitué de couches de visibilité et y voit le débat public structuré sous diverses formes de pétitions telles, par exemple, avec des sites tels comme Change.org où sont publiées chaque jours des nouvelles pétitions portants sur des tous types de sujets.

Fabien Granjon, sociologue spécialiste des médias alternatifs, de la sociologie critique de la communication et des cultures de lutte, dans son ouvrage Mobilisations numériques explique qu’en permettant la circulation de discours pluriels sur de sujets communs, internet contribue à éclaircir les malaises sociaux et à susciter des mobilisations de grande ampleur ce qui bouscule les logiques traditionnelles du conflit social.

 

Les inconvénients

Bien qu’internet présente de nombreux avantages, il reste essentiel de se pencher sur ses inconvénients tels que l’isolement des communautés en ligne. Les GAFAM se rémunèrent sur la mise en visibilité des contenus et cela conduit à créer des « bulles de filtres » enfermant l’internaute dans une environnement informationnel toujours plus homogène. De la même manière, les « infox » viennent envahir l’écologie informationnelle du débat public numérique et contaminer les plus hautes couches de visibilité. Ces situations, Romain Badouard les qualifie de « brutalisation du débat public ».

Les inégalité sociales et territoriales affectent également l’accès aux technologies numériques ce qui implique une forte individualisation des pratiques communicationnelles ainsi qu’une visibilité diminuée pour certains groupes sociaux qui n’ont pas accès à cet empowerment. De manière générale, Martin Gurri remarque un affaiblissement des autorités traditionnelles par internet ainsi qu’une agrégation des colères populaires.

Jen Schradie explique qu’internet n’est pas la solution pour l’abolition des structures sociales et économiques de domination et risque à l’inverse de les renforcer. Selon elle, « l’autonomisation et l’émancipation des citoyens entrainées par l’espace public numérique doivent être réinscrites dans des dynamiques sociales élargies, et que leurs effets sur la démocratie sont fortement contrastés en fonction de ce que l’on choisit d’observer ».

 

L’auteur insiste également sur les « colères d’internet » qui illustrent la défiance des citoyens envers les institutions et le personnel politique, même si le monde numérique ne correspond pas parfaitement au monde social. Il est nécessaire de sortir d’une idéalisation d’internet qui viendrait uniquement valoriser le citoyen et commencer à le considérer comme un symptôme des tensions que connaissent les démocraties contemporaines et non comme une solution à leurs crises.

 

Démocratie participative, chapitre 6, Clément Mabi, éditions Seuils.

Clément Mabi est maître de conférence en Science de l’information et de la communication à l’UTC de Compiègne. Ses recherches portent sur la participation politique en ligne et les usages citoyens du numérique.


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